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VENIR D'AILLEURS ET VIVRE CHRÉTIEN ICI

Osvaldo Nunez nous donne un récit plein de rebondissements des premières années de sa vie au Chili et de la confrontation avec le général Pinochet. Sa migration au Québec n’est pas une rupture mais une poursuite forcée de ses engagements sociaux et politiques, ses valeurs, sa foi chrétienne, sa force et sa volonté de vivre, de transformer nos sociétés. 
Il a publié chez Andros, à Santiago, Chili, en 2010, sous le titre : De Chile al parlamento de Canada, Memorias de un Exiliado. (Du Chili au parlement du Canada. Mémoires d'un Exilé). La parution en français est à venir.
La comparaison avec mon pays est inutile. L’important est d’être fidèle à la vie quelle que soit la situation du pays où nous vivons.

Comme l’immense majorité des Chiliens, je suis catholique depuis mon enfance. À 9 ans, j’ai commencé à aider le curé les dimanches. Né dans une famille très modeste et devenu orphelin à 13 ans, je suis entré au Séminaire des Pères Rédemptoristes, établissement que j’ai dû quitter six ans plus tard pour travailler pour mes frères et sœurs.

LUTTE CONTRE LES INJUSTICES SOCIALES

En plus de mon travail, j’ai fait des études en droit et signé ma carte de membre du Parti démocrate-chrétien et de l’Association des étudiants universitaires catholiques. Au nom de ma foi chrétienne, je me suis intégré à la lutte contre les injustices sociales et les inégalités criantes au Chili. En même temps, j’ai participé et appuyé le mouvement pour une théologie de la libération, prônée à l’époque par de nombreux prêtres progressistes du Chili et d’Amérique latine. Comme avocat, je me suis spécialisé en droit du travail pour aider les salariés et les syndicats.

ENGAGEMENT POLITIQUE

Durant mes études en droit social à l’Université catholique de Louvain, en Belgique, j’ai décidé, avec d’autres, de quitter la Démocratie chrétienne pour appuyer le candidat socialiste Salvador Allende, élu Président du Chili en 1970. À la suite du coup d’État du 11 septembre 1973, je suis arrivé avec ma famille comme exilé à Montréal, cinq mois plus tard. J’étais très déçu de l’attitude de la majorité de la hiérarchie catholique chilienne et du Vatican, qui s’était montré favorable au régime militaire. D’autre part, comme d’autres exilés chiliens, j’étais satisfait de venir au Québec, une province catholique. Mais l’accueil de l’Église institutionnelle ne fut pas très chaleureux. Cela s’explique probablement par les réticences de certains évêques québécois à l’endroit du gouvernement socialiste d’Allende. Par contre, certains prêtres et religieuses profondément engagés, ainsi que d’autres Églises canadiennes, se montrèrent beaucoup plus ouvertes et solidaires à notre égard.

LE CHOC DU QUÉBEC

À mon arrivée ici, j’ai eu une première surprise, en constatant le recul et la perte de pouvoir et de prestige de l’Église québécoise. Pour moi, cette situation constituait un choc, puisque l’Église d’ici envoyait d’excellents missionnaires en Afrique et en Amérique latine, notamment au Chili. D’ailleurs, certains d’entre eux furent expulsés par le régime militaire. Malheureusement le Québec, à l’instar d’autres nations développées, a vu cette crise s’accélérer par la suite. C’est triste pour moi de voir les Séminaires et les couvents se vider et de constater que les églises sont désertées, détruites ou vendues.

L’ÉGLISE DES PAUVRES

Quand j’étais jeune, je lisais le philosophe Jacques Maritain et les encycliques sociales de l’Église. J’ai été marqué notamment par les paroles de Jean XXIII, prononcées au Concile œcuménique Vatican II : L’Église veut être l’Église de tous et particulièrement des pauvres. C’était donc normal pour moi de participer et de soutenir le travail formidable et solidaire de « Développement et Paix » en faveur des pays du Tiers monde. Je le faisais en livrant notamment mon témoignage sur la pauvreté et les violations flagrantes des droits humains, à l’époque, au Chili et en Amérique latine. J’étais content également d’avoir trouvé un emploi à la FTQ.

Concernant ma pratique religieuse ici, j’ai commencé à fréquenter les dimanches l’église de mon quartier. Mais par la suite j’ai préféré aller dans des églises regroupant les latino-américains d’ici. La messe y était célébrée par des prêtres hispanophones, en espagnol, avec des chorales, guitares et musique propres à nos racines, dans cette région du monde. Ainsi, nous voulions vivre notre religiosité de manière plus communautaire, tandis que d’autres la vivent d’une manière plus individuelle et intérieure. De plus, les églises latines sont presque toujours remplies.

LES IMMIGRANTS REMPLISSENT LES ÉGLISES

Aujourd’hui, j’ai 76 ans. Après 45 ans de travail professionnel, j’ai pris ma retraite en 2004. Depuis lors, pendant les longs et durs hivers canadiens, je passe quatre mois au Chili. J’y oeuvre à plusieurs causes qui me tiennent à cœur. Je passe ensuite huit mois au Québec où je consacre mes efforts à la lutte pour la défense des droits collectifs des aînés ainsi que des immigrants et refugiés. Actuellement, je fréquente la paroisse Ste-Croix, dans mon quartier de St-Laurent. Dans les quatre églises de cet arrondissement, ce sont les immigrants qui assistent, en grand nombre, aux messes dominicales, célébrées souvent par des prêtres venus d’ailleurs.

UNE AGRESSIVITÉ INDÉRACINABLE

En tant que catholique, même si j’appuie la lutte de beaucoup de Québécois pour l’indépendance, je dois avouer que je ne me sentais pas à l’aise avec le projet de Charte sur la laïcité que l’ancien gouvernement voulait faire adopter. D’autre part, je n’ai jamais compris le degré d’agressivité et les critiques virulentes de certains amis Québécois contre l’Église, qui a joué un rôle fondamental dans l’histoire du Québec. J’ai été témoin de tels propos et commentaires lorsque je travaillais à la FTQ et quand j’étais député du Bloc québécois à la Chambre des communes.

UNE ÉGLISE À MODERNISER

Enfin, je pense que pour éviter la désaffection de la population, particulièrement des jeunes, l’Église d’ici, et des autres pays riches et de Rome, doit se moderniser et se renouveler. À titre d’exemple, à mon avis, elle doit faire plus de place aux femmes, changer ses positions face à la contraception et l’homosexualité, mettre fin à l’obligation du célibat des prêtres, condamner plus énergiquement les prêtres et religieux pédophiles, réexaminer la question de l’infaillibilité du pape, prendre décidément parti pour les gens pauvres et exclus de la société, nommer des évêques plus proches du peuple, etc.


J’avais été très critique à l’égard des deux derniers papes. Aujourd’hui, j’ai de l’espoir. Je crois que le nouveau pape François possède la capacité, le talent et le courage pour faire face aux courants conservateurs dans la hiérarchie et entreprendre les changements nécessaires et urgents au sein de l’Église.

vol. 120, no 1 • 15 janvier 2015

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