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PETITES-MAINS UNIES POUR TISSER UN MONDE DE POSSIBILITÉS

IMPASSES ÉCONOMIQUES ET ALTERNATIVES

L’auteure, Nahid Aboumasour, a mise sur pied l’organisme les Petites-Mains avec l’étroite collaboration des Sœurs de la Congrégation Sainte-Croix. L’objectif: sortir les femmes immigrantes de la pauvreté et de l’isolement et les intégrer au marché du travail avec l’aide de l’économie sociale. C’est la création d’un programme de couture qui va donner son envol aux Petites-Mains en 1995. L’enthousiasme est phénoménal : en douze ans, le local qui abrite les activité de l’organisme passe de 400 à 30 000 pi2. Par son accompagnement de ces femmes fragilisées, tant par l’apprentissage de la langue que par l’intégration à la culture du marché du travail québécois, les Petites-Mains a permis à un nombre important de femmes de vivre en dignité dans leur société d’accueil. L’organisme est un modèle en insertion sociale et sa démarche s’inscrit dans une politique de développement durable avec une production de textile équitable. En 2013, l’organisme à installer un projet en Haïti.
Au fil des années, Petites-Mains s’est spécialisé dans l’accompagnement des femmes immigrantes, monoparentales, sans revenu ni aucune expérience professionnelle au Québec, afin qu’elles intègrent le marché de l’emploi et puissent vivre en dignité dans leur société d’accueil.

Depuis la création de l’organisme Petites-Mains en 1995, je crois que c’est à travers le travail qu’une femme pourra s’intégrer à la société, mais aussi développer une confiance en elle, une autonomie et un épanouissement personnel, autant pour elle que pour sa famille.

Cette réflexion a pris racine dans mon esprit suite à une rencontre qui a changé ma vie. C’était en 1993, je venais d’immigrer à Montréal du Liban et je cherchais à me rendre utile en faisant du bénévolat, à défaut de pouvoir exercer mon métier d’architecte pour cause de non-reconnaissance de mes diplômes. Un jour, une annonce de bénévolat dans le journal a attiré mon attention, et c’est ainsi que je rencontrai Sœur Denise Arsenault, de la Congrégation Sainte-Croix. Elle m’a demandé de rencontrer les femmes qui s’approvisionnaient à la banque alimentaire de Côte-des-Neiges gérée par les Sœurs Sainte-Croix, afin de discuter de solutions possibles aux difficultés qu’elles rencontraient.

Au fur et à mesure des discussions, les femmes ont rapidement exprimé leur désir de subvenir elles-mêmes à leurs besoins et à ceux de leurs familles, plutôt que de dépendre des autres. Après plusieurs suggestions, le choix des femmes s’est arrêté sur la création d’un programme de couture. Le but essentiel du programme était d’accompagner ces femmes dans leur cheminement personnel et professionnel afin de les amener sur le marché du travail. En effet, pour la majorité, ces femmes n’avaient jamais travaillé en dehors de leur foyer et étaient très éloignées du marché de l’emploi.

Au fil des mois, grâce au bouche à oreille et au nombre grandissant de personnes souhaitant bénéficier de nos services, Sœur Denise et moi-même avons commencé à structurer notre programme. Nous avons réalisé une étude de marché sur les besoins des entreprises et manufacturiers, nous avons été recueillir des dons pour investir dans des machines à coudre industrielle, puis en 1995, nous avons obtenu les Lettres patentes nécessaires à un organisme de bienfaisance. Les années passèrent, les demandes des femmes se multiplièrent, les projets se diversifièrent, et en 2000, Petites-Mains devint membre du Collectif des Entreprises d’Insertion. Parce que nous répondions à un besoin et que le bien-être des femmes ETAIT notre priorité, notre premier local s’avéra rapidement trop petit face à la demande et il fallut trouver un plus grand espace : après avoir débuté dans un local de 500 pi2, nous louâmes deux ans plus tard un espace de 10 000 pi2, jusqu’à finalement déménager en 2007 dans une bâtisse de trois étages de 30 000 pi2. Ce nouvel espace nous permit d’ouvrir un café-restaurant-service traiteur – l’Inter-Mission – afin de proposer un nouveau plateau de formation : celui d’aide cuisiner, service à la clientèle.

Grâce à la confiance et au partenariat avec divers acteurs publics, privés et communautaires, Petites-Mains intervient aujourd’hui à toutes les étapes d’intégration socioprofessionnelle des femmes dans le besoin: de l’apprentissage du français à la découverte de la culture et du marché du travail québécois, en passant par la formation d’un nouveau métier, l’acquisition d’expérience professionnelle au Québec, jusqu’à l’emploi adapté à leurs besoins pour une période durable. Au fil des années, Petites-Mains s’est spécialisé dans l’accompagnement des femmes immigrantes, monoparentales, sans revenu ni aucune expérience professionnelle au Québec, afin qu’elles intègrent le marché de l’emploi et puissent vivre en dignité dans leur société d’accueil. Pour encourager l’émancipation de ces femmes, dès mai 2017, Petites-Mains ouvrira également un centre de la petite enfance, Le Royaume des Petites-Mains, qui offrira un service de garde unique pour accueillir et accompagner les enfants de ces femmes dans leur intégration québécoise, grâce à des ateliers linguistiques, créatifs et sociaux.

Durant nos programmes de formation socioprofessionnelle dans les plateaux de couture industrielle et de cuisine, les femmes apprennent le métier en répondant aux commandes de nos clientèles institutionnelles, des organismes, créateurs, et des particuliers; une manière pour Petites-Mains de contribuer à l’économie sociale et au développement économique de la ville de Montréal. Les participantes sont ainsi préparées aux réalités du marché du travail tout en étant rémunérées. Le fait même d’aller chaque jour à Petites-Mains, d’apprendre un métier tout en gagnant un salaire, change toute la dynamique dans une famille. Les préoccupations monétaires disparaissent, un sentiment d’utilité et un bien-être s’installent, mais surtout une assurance et une confiance en l’avenir. 


Par sa mission sociale et économique, Petites-Mains s’implique également dans le développement durable. Tous les produits textiles produits à Petites-Mains sont équitables et confectionnés localement par une main-d’œuvre formée sur place. Quant à notre service traiteur, Petites-Mains s’engage à acheter localement et régionalement et à collaborer avec des entreprises qui partagent nos valeurs de durabilité. Ainsi, en plus de former les femmes, nous créons des emplois directs et indirects à travers nos commandes. Depuis plusieurs années, nous maintenons un taux de placement en entreprise de plus de 80% de nos participantes, un résultat témoignant de l’efficacité de notre approche et qui constitue un modèle de réussite en insertion sociale. À ce jour, ce sont des milliers de personnes qui ont suivi différents parcours chez nous et qui, dorénavant, ont trouvé leur place au Québec.

Depuis 2013, le projet Petites-Mains a également été implanté à Haïti dans le Cap Haïtien, en collaboration avec la congrégation des Sœurs de Sainte Croix et l’organisme Centrech. Baptisé « Petites-Mains Catherine Flon Haïti » en l’honneur de la personnalité révolutionnaire haïtienne, ce projet permet chaque année à trente participantes de suivre une formation technique de couturière industrielle, et d’être préparées aux réalités du monde du travail à Haïti. Grâce à un partenariat avec un parc industriel coréen implanté au Cap Haïtien, nous aidons ensuite ces femmes à travailler dans cette entreprise. Nous savons tous qu’Haïti est l’un des pays les plus pauvres au monde, et nous sommes heureux d’avoir contribué à l’implantation d’une nouvelle économie sur place, en accompagnant cet organisme dans la structuration de leur programme et la formation des employés. Depuis ce projet, plusieurs pays d’Afrique nous ont sollicités pour exporter notre expertise chez eux, cependant, à cause de nos capacités limitées, nous ne pouvons donner suite à de nouveaux projets à l’international pour le moment.

Aujourd’hui, Petites-Mains permet aux femmes d’apprendre un métier, de travailler et de contribuer à l’économie autrement. La personne est au cœur des actions de l’économie sociale et l’expérience nous a prouvé qu’il s’agit d’une très bonne alternative à l’économie traditionnelle. Grâce au travail acharné d’une équipe passionnée et au soutien de tous les bénévoles et autres organismes qui croient en notre mission, Petites-Mains peut continuer chaque année à aller encore plus loin pour aider toujours plus de personnes dans le besoin.

vol. 121, no 3 • 15 octobre 2016

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