PAIX ET DIALOGUE
HASSAN GUILLET, Ingénieur et avocat à la retraite, et imam
L'Homme est l'ennemi de ce qu'il ignore. Comme on l'a souvent répété, l'ignorance mène à la méfiance, la méfiance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine pourra mener à la violence. Pour lutter contre la violence, il faut commence par la lutte contre l'ignorance. La paix commence par le dialogue et la connaissance d'autrui.
« Pour faire la paix avec autrui il faut être en paix avec soi-même. Avant de tendre la main à quelqu'un, il faut se libérer de ses préjugés et se libérer de son propre égocentrisme en essayant de connaître l'autre et accepter les différences. »
L'humanité fait quotidiennement face à d’importants défis. Les guerres, déclarées ou non, entre des nations et à l'intérieur des nations menacent l'existence même de cette humanité. On parle de paix mais on fait plus la guerre que la paix. On fait des traités de paix entre certains pays ; mais dans le fait ces traités ne sont que des alliances contre d'autres pays. Pour faire la paix avec autrui il faut être en paix avec soi-même. Avant de tendre la main à quelqu'un, il faut se libérer de ses préjugés et se libérer de son propre égocentrisme en essayant de connaître l'autre et accepter les différences. Nous vivons l'un à côté de l'autre, mais on ne se connaît pas. Malheureusement, nous sommes une multitude de solitudes. Nous, groupes et individus, vivons dans des coquilles qui « nous protègent » des autres. Il faut sortir de ses coquilles et démolir les murs qui nous séparent des autres. L'Homme est l'ennemi de ce qu'il ignore. Comme on l'a souvent répété, l'ignorance mène à la méfiance, la méfiance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine pourra mener à la violence. Pour lutter contre la violence, il faut commence par la lutte contre l'ignorance. La paix commence par le dialogue et la connaissance d'autrui.
Après cette introduction générale sur le dialogue comme pierre angulaire de la paix, comme ce texte paraît dans un journal dédié à la spiritualité et à la religion, je vais diriger ma réflexion vers le dialogue interreligieux.
LES DÉFIS DES CROYANTS
De nos jours les croyants font face à de grands défis. Le rejet de la spiritualité et des croyances religieuses dans nos sociétés occidentales s'accentue de plus en plus. Il s'agit d'un rejet global et non celui d'une religion en particulier. Non seulement on revendique le droit des individus à ne pas croire à une religion mais on veut aussi limiter le droit à la pratique religieuse pour ceux qui continuent à avoir la foi. Il est donc nécessaire de travailler ensemble en gens de foi pour trouver des solutions globales par le dialogue, la compréhension et la collaboration.
Je vais, comme Québécois de confession musulmane, élaborer le sujet du dialogue interreligieux sur trois angles différents mais complémentaires :
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Angle théologique : Les bases mêmes de la spiritualité diffèrent peut-être d'une religion à une autre, mais elles ne se contredisent pas nécessairement. Le judaïsme, le christianisme et l'islam croient toutes à un Dieu unique qui est le Créateur de l'univers et vers qui nous allons tous retourner. C'est Lui qui va juger si nos actes sur cette terre étaient bons ou mauvais et si notre destination finale sera le paradis ou l'enfer. C'est l'essentiel des enseignements de Moïse, Jésus et Mohamed. D'ailleurs le Coran, le livre sacré de l'islam, mentionne les noms des autres prophètes beaucoup plus qu'il mentionne le nom de Mohamed lui-même. Voici le décompte: Abraham 69 fois, Moïse 136 fois, Jésus 25 fois. Quant à la vierge Marie, la mère de Jésus, elle est mentionnée 24 fois, 11 fois seule et 13 fois comme mère de Jésus. De plus, il y a tout un chapitre du Coran au nom de Marie, chapitre 19, et un autre au nom de sa famille, chapitre 3. Par ailleurs, le nom de Mohamed est mentionné seulement 4 fois dans le Coran et sa mère n'est pas mentionnée du tout. De là on peut déduire que l'expression de tradition judéo-chrétienne est erronée. Il faut plutôt parler de tradition abrahamique qui doit inclure le judaïsme, le christianisme et l'islam.
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Angle pragmatique : Comme nous l'avons vu, la base théologique des trois religions abrahamiques est la même. Le Dieu de ces trois religions est le même. C'est lui qui va nous juger tous au jour du jugement dernier. On peut donc conclure que nous travaillons tous pour le même patron. N'est-il pas plus intelligent de travailler ensemble pour lui plaire plutôt que de se quereller et attirer sa colère ?
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Angle historique : L'histoire nous a enseigné que chaque fois que les humains travaillaient ensemble et collaboraient entre eux ils faisaient des merveilles. On y voit une très belle démonstration par la civilisation musulmane en Andalousie dont on constate les réalisations jusqu'à nos jours. Ainsi par exemple, ces réalisations se manifestent, entre autres, dans l'architecture arabe toujours présente dans la péninsule ibérique et par les 4000 mots arabes qui enrichissent la langue espagnole. L'Andalousie, sous le règne musulman qui a duré presque huit siècles, était une société où les juifs, les chrétiens et les musulmans vivaient ensemble en paix et en harmonie. Ils ont créé une des plus belles civilisations que l'humanité a connues. Cependant, chaque fois que les humains se laissaient aveugler par le rejet de l'autre et les conflits, ils ont engendré les guerres, les massacres, et la destruction. On peut constater ce que les guerres de religions et les inquisitions ont fait dans le passé et ce que Daech fait dans le présent.
Le choix doit être clair pour nous gens de foi : se quereller et périr ou collaborer et s'enrichir. On doit couper le chemin à tous ceux qui se servent de l'ignorance pour dresser un écran de fumée devant les yeux des humains et propager la culture de la haine et du rejet de l'autre. Nous avons un destin commun. Les êtres humains ont les mêmes aspirations indépendamment de leur appartenance religieuse: trouver un travail, acheter une maison, envoyer ses enfants à l'école, avoir une bonne santé, et s'assurer d'avoir une retraite confortable. Et si on est croyant on aspire aussi à aller au paradis après la mort.
UN JALON IMPORTANT
La rencontre du pape François avec le Grand Imam de l'université Al-Azhar fut un jalon important sur le chemin du dialogue et de la paix. Ces deux grands hommes ont affirmé par les gestes et les paroles que les religions n’incitent pas à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, ni n’invitent à la violence. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé à certaines phases de notre histoire de l’influence des sentiments religieux sur le cœur des hommes.
Enfin je réitère que nous avons un seul Dieu qui est notre Créateur à nous tous et à lui nous allons tous revenir. Travaillons tous ensemble en harmonie pour lui plaire en sachant que le plus noble d'entre nous auprès de Lui est le plus pieux :
« O hommes! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d'entre vous, auprès d'Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand Connaisseur ».
[Le Saint Coran, Chapitre 49, Verset 13]