top of page

LE PARCOURS EXCEPTIONNEL

DE MARGUERITE RIVARD

GENS QUI INSPIRENT

À 20 ans, Marguerite entre au monastère des Clarisses de Valleyfield après des études universitaires et quelques années d’enseignement. Elle veut servir Dieu dans le silence, la prière et la contemplation. Pendant 36 ans, elle se dévoue à la cuisine, à la couture, à la fabrication des hosties et au service des religieuses malades du monastère. Un jour, lors d’une rencontre avec un psychologue, elle s’entend dire : « Une femme comme vous se retrouve plus facilement en prison que dans un monastère », suggérant que les carences affectives qui ont marqué sa jeunesse auraient pu influencer sa trajectoire de vie et l’amener à dévier du droit chemin. Cette réplique éveille chez elle le désir de connaître ce qui se passe chez les femmes incarcérées.
DU CLOÎTRE À LA PRISON

© photo : Josée Richard

Marguerite affirme que la femme incarcérée est une victime. Un passé d’abus et de dépendance affective la mène parfois à la toxicomanie et à la criminalité. Elle conteste le système répressif et autoritaire qui s’avère néfaste pour une personne souffrante.

Un jour, son regard tombe sur un document informatique traitant d’un projet alternatif dans un centre pénitencier pour femmes. Elle propose alors à l’aumônier du couvent d’inclure cette cause dans la liturgie mais elle se bute à un refus. Toujours désireuse de s’impliquer, elle s’adresse au prêtre de la Maison Tanguay lui demandant le privilège de correspondre avec des femmes de l’institution. Cependant, elle s’aperçoit rapidement des limites de son projet car la correspondance est surveillée et la plupart du temps, les femmes peu instruites éprouvent de la gêne à écrire. Souhaitant toujours s’investir davantage, Marguerite demande l’autorisation de visiter ces femmes. À nouveau, les autorités du monastère refusent sa requête. Toujours résolue, elle continue pendant dix ans sa correspondance avec les détenues.

SON DÉPART DU MONASTÈRE

Âgée de 58 ans, elle décide de demander une période d’exclaustration afin de vérifier son appel et elle quitte le monastère. Les portes de la prison s’ouvrent devant elle et l’aumônier de l’institution Tanguay lui offre la possibilité de le seconder dans sa tâche. Elle pourra désormais rencontrer individuellement les femmes, mener des activités pastorales et animer des liturgies dominicales. Deux ans plus tard, elle décide courageusement de quitter définitivement le monastère pour suivre son appel. À la prison de Tanguay, elle ajoute l’établissement Joliette qu’elle visite régulièrement. Aujourd’hui encore, à 79 ans, elle continue d’accompagner les femmes des deux établissements, été comme hiver, beau temps mauvais temps, puisant dans ses maigres ressources financières le coût de ses déplacements et le prix de quelques gâteries pour les femmes. Elle soutient que sa décision fut la bonne et qu’elle ne l’a jamais regrettée.

SA VISION

Marguerite affirme que la femme incarcérée est une victime. Un passé d’abus et de dépendance affective la mène parfois à la toxicomanie et à la criminalité. Elle conteste le système répressif et autoritaire qui s’avère néfaste pour une personne souffrante. Elle déplore qu’en prison, les femmes soient continuellement ramenées à leurs délits, ce qui favorise en rien la reconstruction de leur estime personnelle. Elle encourage le développement d’organismes communautaires dont le mandat serait d’accompagner les femmes à travers leur processus de réhabilitation sociale. Marguerite continue d’écouter leurs confidences, prendre le temps d’explorer avec elles leurs blessures, faire voir leurs bons coups et les orienter vers des programmes de réhabilitation. Elle maintient un contact régulier avec certaines d’entre elles au-delà de la prison, soit par téléphone ou par des rencontres ponctuelles.

Interrogée sur la satisfaction qu’elle tire de son implication auprès des femmes judiciarisées, elle répond simplement que la confiance de celles-ci est un présent inestimable à ses yeux. Rien ne la réjouit davantage que leur sourire à la suite des échanges. Tant que ses forces le lui permettront, elle entend poursuivre son engagement.

RÉCIPIENDAIRE DU PRIX TAYLOR

En 2009, Marguerite reçoit le prix Taylor créé par le Service correctionnel du Canada en reconnaissance de son dévouement remarquable auprès des femmes incarcérées. La Société Elisabeth Fry du Québec s’est jointe alors au SCC pour saluer l’engagement et la foi de cette femme exceptionnelle envers les femmes judiciarisées et marginalisées de notre société.

vol. 118, no 1 • 30 août 2013

bottom of page