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ELLE INSPIRE MA VIE, AUJOURD’HUI...

LORRAINE CAZA cnd

Marguerite Bourgeoys arrive à Ville-Marie en répondant au souhait de Maisonneuve d’avoir quelqu’un, à Ville-Mairie, pour s’occuper de l’éducation des enfants. Elle arrive à Ville-Marie en 1653 et y ouvre son école en 1658 puis s’attardera à la construction de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. Elle va y accueillir avec joie Jeanne Le Ber et tisser une amitié avec Jeanne Mance et Maisonneuve. Son séjour sera marqué par l’inflexibilité de Mgr de Laval et le renvoi en France de Maisonneuve. Elle traversera, dans les années 1690, une grande épreuve où sa foi vacille, que Lorraine Caza appelle nuit de l'âme.
A-t-elle pensé au grain de moutarde appelé à devenir un grand arbre ?

Marguerite Bourgeoys

Fondatrice des Sœurs de la Congrégation de Villemarie.

Marguerite Bourgeoys (1620-1700) n'était pas encore engagée dans le grand projet de la fondation de Montréal, en 1642, mais peut-on célébrer un anniversaire de cette fondation sans donner une place importante à celle qui était reconnue comme « la mère de la colonie », et qui formait avec Paul de Chomedey de Maisonneuve et Jeanne Mance, le trio fondateur qui a donné à la ville son âme première. Lors de son voyage en France, appelé avec raison le voyage de la dernière chance, en 1651-1653, Paul de Chomedey se rend dans la ville de Troyes, au monastère de la congrégation Notre-Dame, des Chanoinesses de Saint-Augustin, où sa sœur, Mère Louise de Sainte-Marie, est responsable des congréganistes externes. Marie-Louise rêve de fonder un monastère de son Institut au Nouveau-Monde. Elle donne  même à son frère une image de la Vierge   autour de laquelle elle a écrit : « Sainte Vierge au cœur loyal, gardez-nous une place en votre Montréal ».

RECONNAÎTRE SON CHEMIN

Paul de Chomedey sait que Montréal n'est pas en mesure de subvenir aux besoins de toute une communauté. Il veut ramener à Ville-Marie une femme qui assurera l'éducation des enfants. Mère Louise le met en contact avec Marguerite.  Celle-ci a dû reconnaître dans l'offre qui lui est faite un appel qui l'habitait depuis un bon moment. À vingt ans, dans le cadre de la procession du Rosaire du 7 octobre 1640, elle avait vécu une expérience spirituelle profonde alors qu'elle jetait un regard sur une image de la Vierge. Cette expérience aurait eu une influence décisive sur toute sa vie. Pourtant, elle avait vainement frappé à la porte du Carmel, à l'entrée d'un autre monastère. Vainement aussi avait-elle tenté avec deux compagnes de donner naissance à un nouveau groupe. M. Jendret, son directeur spirituel, avait pourtant la conviction qu'il manquait à l'Église une communauté qui honorerait la vie voyagère et conversante de Marie illustrée dans le mystère de la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth. L'Église avait ses Marie-Madeleine (par exemple, dans les Carmels) ; elle avait ses Marthe (par exemple, les cloîtrées s'occupant des malades et des pauvres) ; mais quand aurait-elle ses consacrées de style Visitation ?

UNE PREMIÈRE ÉCOLE

Arrivée en 1653, c'est en 1658 que Marguerite reçoit de Maisonneuve une étable désaffectée comme première école de Montréal. Marguerite a-t-elle pensé à Bethléem ?  A-t-elle pensé au grain de moutarde appelé à devenir un grand arbre, selon ce que le Père Vimont, s.j., avait dit de Montréal à la première célébration eucharistique, le 17 mai 1642 ? Bien sûr, dès qu'il y eut des enfants d'âge scolaire, Marguerite s'occupa de les éduquer, mais elle s'intéressait au devenir de toutes les personnes de la colonie et spécialement des femmes. Elle souhaita très tôt qu'il existe un lieu de pèlerinage à Marie ; malgré les oppositions et les délais avec lesquels elle dut compter, la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours est construite à partir de 1675.

Marguerite Bourgeoys se voue avec un zèle infatigable à l’instruction des enfants de la Nouvelle-France.

Vue de l’étable-première école, 1657.

Marguerite Bourgeoys dans sa première école-étable
TENSIONS ET CONFLITS

On aimerait s'asseoir près de Mère Bourgeoys et l'entendre nous parler des soucis qu'elle eut face au péril iroquois, face aux tensions et aux conflits dont elle a sans doute été témoin dans la communauté de ses sœurs et dans toute la colonie. Elle est retournée en France à trois reprises : en 1658-1659, en 1670-1672, en 1679-1680. Au dernier de ses voyages si exigeants physiquement et psychiquement, elle dut compter avec l'inflexibilité de Mgr de Laval, lui interdisant de ramener des compagnes à Montréal.  Que dire de  la profonde souffrance que fut pour elle le renvoi en France de Maisonneuve, en 1665 ! Au second de ses voyages, elle le visita et nous a laissé ces lignes : « Je fais en sorte de trouver Monsieur de Maisonneuve... il n'y avait  que quelques jours qu'il avait fait garnir une petite chambre et y faire une cabane, à la façon du Canada, afin de loger quelques personnes qui viendraient de Montréal. Et en frappant à sa porte, il descend... et m'ouvre la porte avec une joie très grande ». Grande épreuve aussi la mort de Jeanne Mance en 1673 ;  Marguerite l'assista jusqu'à la fin.

SA NUIT OBSCURE

La  plus grande croix fut sans doute ces 50 mois de nuit de l'âme (1690-1694). Elle écrit : « L'on m'a fait connaître que j'étais en état de damnation éternelle, ce que je n'ai pas eu de peine à croire, voyant combien j'ai eu de négligence pour les devoirs de mon emploi ; j'en demande de tout mon cœur pardon à Dieu  et m'offre à lui  pour faire de moi ce qu'il lui plaira, pour le temps et pour l'éternité... je ne vais à la sainte communion qu'en crainte ; mais après quatre mois que je ne m'en suis pas approchée, l'on m'a dit d'y aller par obéissance de la Règle ou du confesseur. Et depuis, je l'ai fait quoiqu’avec bien de la froideur et de la répugnance ». Et que dire de la crise des Constitutions ? 

 

Lourdes épreuves, oui, mais aussi, grandes joies.  On peut penser à la contribution exceptionnelle qu'elle faisait à la colonie par l'enseignement et l'éducation qu'elle prodiguait et par la formation qu'elle assurait à ses compagnes. Elle parle elle-même de la grande joie qui fut sienne lorsque Jeanne LeBer vint demeurer à la Congrégation (1695-1714). Elle a dû être souvent réconfortée par l'amitié de Maisonneuve et de Jeanne Mance et aussi par le support spirituel reçu de personnes comme son directeur M. de Glandelet ou encore le père Chaumonot, s.j.

Marguerite Bourgeoys | vitrail | église Saint Willibrorod-Verdun (Montréal) | détail

Sainte Marguerite Bourgeoys. Vitrail, église Saint Willibrord - Verdun (Montréal)

A-t-elle jamais oublié le : « Va, je ne t'abandonnerai pas » de Marie, au départ, en 1653. Et, dans sa nuit obscure, l'entendez-vous  confesser : « Quoique je ne refuse pas de voir mon malheur, je n'ai pourtant jamais douté de la miséricorde de Dieu et j'espèrerai en Lui, quand je me verrai un pied dans les enfers… J'ai encore une autre ressource que le bon Dieu veut bien m'accorder, qui est le secours de la très Sainte Vierge ; car si je suis l'objet de la miséricorde de Dieu, je suis en même temps la preuve du secours de la très Sainte Vierge. »

 

Oh Oui ! Tout dans sa vie nous parle aujourd'hui !

vol. 122, no 2 • Juin 2017

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