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LA TABLE, UN LIEU OÙ SE FAIRE PROCHE

ÉTIENNE GODARD et

ROGER BÉLISLE

La table est un espace de partage et d’échange. Elle est aussi un lieu d’enseignement La table nous relie et représente un moment favorable à la transmission. Un espace pour se connaître et se reconnaître, pour se faire proche.

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C’est autour d’un repas que leurs yeux se sont dessillés pour reconnaître avec stupéfaction le Nazaréen.

Qui n’a pas été impressionné par la scène d’évangile des disciples d’Emmaüs (Lc 24,18-35) ? De retour de Jérusalem, Cléophas et son ami rencontrent un étranger sur leur chemin. L’individu les interpelle afin de comprendre leur désarroi suite à l’exécution de Jésus. Le voyageur leur propose alors une relecture des derniers événements survenus à l’occasion de la Pâque. Son empathie leur remonte le moral à la faveur d’un apprivoisement. Naît alors de la confiance au point que les deux disciples l’invitent à leur table.

 

C’est autour d’un repas que leurs yeux se sont dessillés pour reconnaître avec stupéfaction le Nazaréen. Or le geste de la fraction du pain posé par l’hôte crée un tel impact chez les disciples qu’ils retournent vers leurs collègues terrés à Jérusalem pour leur faire part de ce qu’ils viennent de vivre.

Partant de ce moment autour de la table, nous souhaitons vous partager une expérience vécue au Relais Mont-Royal[1] où l’actrice principale est incarnée par la table, meuble autour duquel un repas contribue au partage de vie et de foi.

LA TABLE

Mais avant de présenter le Relais, nous aimerions bien camper l’expérience symbolique du repas. La table est un espace de partage et d’échange. Elle est aussi un lieu d’enseignement. Par la proximité qu’elle implique entre les participants, par l’intimité qu’elle permet, comme on le voit à Emmaüs, le repas apparaît comme un lieu de passage privilégié. La table nous relie et représente un moment favorable à la transmission. Un espace pour se connaître et se reconnaître, pour se faire proche. Différentes motivations nous amènent à nous asseoir à la même table : notre impératif biologique de nourriture, nos besoins sociaux de communiquer en s’inscrivant ainsi dans un rapport intime, dans une trame sociale. Également, nous pouvons ressentir la nécessité de nous retrouver pour manifester ensemble la célébration de la vie ou la solidarité dans les ténèbres. Ainsi la table représente-t-elle un lieu d’exception. D’ailleurs et pour parler des choses qui nous tiennent à cœur, ne dit-on pas : « Allons manger ensemble ! »

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LE RELAIS MONT-ROYAL

Le Relais existe depuis novembre 1996 et a pignon sur rue dans la crypte du Sanctuaire du Très-Saint-Sacrement, tout juste à côté de la station de métro Mont-Royal. Initié par Feu Georges Convert et une douzaine de jeunes adultes, l’organisme a bénéficié du soutien du cardinal Turcotte. Ce pasteur souhaitait mettre sur pied une paroisse jeunesse. Au Relais, nous y célébrons l’eucharistie les premiers mercredis du mois. Les autres mercredis font place à des soirées de prières avec les chants de Taizé. Mais il nous arrive aussi d’organiser des temps de ressourcement, moments passés ensemble qui ont beaucoup façonné le fonctionnement du Relais. Au rythme de trois ou quatre fois par année, des petits groupes d’une dizaine de personnes vont vivre une retraite dans les Cantons de l’Est, à Bondville. Il s’y trouve une grande maison mise à notre disposition par l’association COPAM.

 

Nous y développons généralement pendant une fin de semaine une thématique particulière en lien soit avec le temps liturgique du moment ou en relation avec un thème susceptible d’alimenter la réflexion sur le pardon, le don ou tout autre sujet pertinent. Le repas, autour de la table, devient souvent l’espace où va mûrir notre réflexion, dans les bribes d’informations échangées tout au long de la journée. La convivialité contribue alors à ce que les dernières barrières cèdent pour permette que notre vie quotidienne s’expose, que nos vécus de chrétiens et chrétiennes s’entrelacent et s’entrechoquent dans une fertilité qui fonde une plus grande fraternité. Bien souvent, ces temps forts se déroulent autour de la table, pendant le repas.

LE REPAS DE LA PAROLE

Suite à ces expériences vécues pendant nos retraites, nous avons développé à Montréal, une activité qui cherchait à exploiter la force de ces rencontres vécues autour de la table. Ainsi est née l’idée de nos repas de la parole, aussi appelés repas de fraternité.

Le déroulement de ces rencontres est le suivant. Nous nous retrouvons alors entre six et douze convives. Tous et toutes participent à composer le menu en y rapportant un mets à partager. Généralement, l’hôte ou l’hôtesse prépare le plat principal. Ces rencontres sont vécues dans les appartements ou les résidences des gens qui ont pris l’habitude de fréquenter le Relais. Ainsi nos milieux de vie domestiques peuvent se retrouver investis d’un caractère sacré. L’ensemble de notre vie peut être habitée par l’Esprit. Il arrive parfois qu’on invite des personnes autres, pour les introduire à une forme de rituel sortant du cadre habituel d’un lieu sacré, de l’institution Église. Outre l’accueil mutuel, la célébration repas est amorcée par des prières et des chants de Taizé auxquels fait suite le rituel du partage du pain et du sel [2]. Vient ensuite la proclamation d’une page tirée des évangiles. Nous commençons à manger en silence, et, tranquillement, prend forme le partage qui représente le cœur de la rencontre. Ici aussi, nos compréhensions du texte font écho à notre quotidien. Le temps d’échange autour de l’extrait biblique se termine par la récitation du Notre Père. Nous passons ensuite au dessert. De tels repas peuvent s’étendre sur plus de trois heures...

QUE SE PASSE-T-IL DONC DURANT CES TABLÉES?

Elles nous amènent à prendre conscience de l’importance de la table. Dans notre vie quotidienne et chez plusieurs, le temps consacré au repas diminue. Souvent solitaire quand vient le temps de se nourrir, nous mangeons devant l’ordinateur, la tablette ou la télévision. Ensemble, nous nous apercevons que le repas partagé dépasse la simple fonction biologique cherchant à combler les besoins du corps. On voit bien à la table d’Emmaüs, que leur partage répond à une faim totalement autre. En respectant tout ordre de grandeur, nous dirions que l’on y retrouve, comme chez les disciples d’Emmaüs, une disponibilité, une confiance et une reconnaissance. La table s’offre comme un lieu pour faire mémoire ; elle contribue à combler une autre faim, une faim qui répond à une dimension plus grande qui nous dépasse.

EN CONCLUSION…

Si Georges Convert a été un temps prêtre accompagnateur au Relais Mont-Royal, nul doute qu’il reconnaîtrait l’esprit qui a présidé à ce projet ecclésial. Aujourd’hui, Jean Binette, prêtre des Missions étrangères du Québec, a pris la relève. Il est membre de notre Conseil d’administration qui en compte six et nous apprécions son approche toute pastorale.

 

Que diraient les membres fondateurs de nos repas de fraternité ? Quoi qu’il en soit, autant les convives d’Emmaüs ont pu vivre un moment fort de révélation en leur temps, autant nos partages autour de la table peuvent favoriser des moments ressourçants en termes de foi et d’authenticité. D’ailleurs ce genre d’activités prisées par les jeunes adultes gagnerait à être adoptées par d’autres groupes d’âge. Et pourquoi ne pourrait-il pas réunir parfois des convives de diverses générations ?

NOTES

 

[1] Relais Mont-Royal, situé 500 A, Avenue du Mont-Royal Est, Montréal (Québec) H2J1W5

Tél. : 514.528-7033 / Courriel : relais@relaismontroyal.org

[2] Le pain partagé crée un lien. Le sel sert à préserver les aliments; il fonde nos relations, notre alliance. Lors d’un championnat de hockey entre le Canada et l’URSS,en 1972, les joueurs du Canada se sont fait offrir du pain et du sel en arrivant pour la première fois sur une patinoire soviétique. Ce geste correspond à un rite oriental.

vol. 129, no 2 • Septembre 2024

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