ILS PARLAIENT ENTRE EUX…

Le même jour, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé. (Luc 24, 13-14)

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Deux compagnons marchent sur la route. Ils sont secoués, terriblement secoués. Leurs pas sont lourds, pesants. Leurs propos sont empreints de déception et d’inquiétude. Celui en qui ils avaient mis toute leur espérance vient de mourir crucifié, dans une extrême violence. Ils tournent leur dos à la ville sainte de Jérusalem, pour fuir leur souffrance si palpable en ce moment, pour fuir la croix. Ils avancent ensemble et pourtant, ils ne peuvent s’aider à guérir. Leur blessure est trop vive. Ils restent anéantis par leur tristesse.

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Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes.
(Luc 24, 15-17 et ss)

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Une grande partie du texte d’Emmaüs se passe en discussion. À peine sortis de Jérusalem, les deux disciples s’entretiennent de tout ce qui est arrivé. Ils dialoguent avec une certaine vigueur. On peut croire qu’ils ne s’entendent pas sur l’interprétation des événements. Un troisième compagnon vient cheminer avec eux, ce qui facilitera peut-être une prise de conscience des événements. Jésus le Christ vient les rejoindre dans leur souffrance, mais ils ne peuvent le reconnaître, leur tristesse prend toute la place. Ils prennent le temps de s’arrêter, un peu abasourdis. À cet inconnu qui semble ne rien connaître des événements dramatiques qui viennent tout juste d’arriver, ils vont raconter avec détails leur déception, leurs craintes, mais aussi ce qu’ils vivent à l’intérieur d’eux-mêmes, leurs attentes déchues.

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Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait. (Luc 24, 27)

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À son tour, Jésus prend la parole, une Parole qui réchauffe le cœur et qui peut engendrer une vie nouvelle. Jésus le ressuscité aborde avec eux une nouvelle manière de lire les Écritures. La vérité oblige chacun à un décentrement, à une écoute attentive de l’autre. Jésus devient lui-même Parole pour eux, les aidant à faire une relecture des événements et à y trouver des signes d’espérance. Il les aide à ouvrir les yeux et à retrouver l’intelligence du cœur. Petit à petit, ils se rendent compte que ce que dit l’étranger goûte bon. Ça sonne le vrai, ça résonne de vie.

RESTE AVEC NOUS CAR LE SOIR APPROCHE

Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux. (Luc 24, 28-29)

La nuit est un moment où on éprouve le besoin de rester ensemble, de se restaurer ensemble pour affronter l’inconnu de la nuit. Tout au long de la route, leur vie s’est illuminée peu à peu. Ils ne peuvent en rester là. Les paroles de l’étranger les apaisent. Les deux disciples sont réconfortés par leur compagnon et ils désirent prolonger ce moment, intégrer davantage ce qu’ils viennent d’entendre et de vivre. Reste avec nous…

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Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » (Luc 24, 30-32)

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Pour nourrir la relation, rien de tel qu’un repas pris ensemble. Tout repas est une célébration d’alliance. Le partage du pain incarne la parabole du don et de la communion. Quand leurs yeux s’ouvrent enfin, Jésus a disparu mais les disciples ont retenu l’essentiel du message : Ils ne sont plus seuls dans leur détresse. Leurs yeux sont maintenant capables de dépasser la présence physique et d’être en communion avec Jésus le ressuscité qui les appelle à vivre intensément, se sachant accompagnés spirituellement sur leurs routes humaines.

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À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem… (Luc 24, 33)

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Ils ont choisi le chemin de la solidarité, de la communion avec les frères. Ils retournent à Jérusalem, à la source de leur engagement, mais dans un esprit tout autre parce qu’ils sont remplis d’espérance. La mort ne sera pas le dernier mot de Dieu.

PRÉSENCE, AMOUR, COMPASSION ET BIENVEILLANCE

Ce qui compte dans la vie c’est de parcourir le chemin, de le faire avec attention et persévérance, de marcher avec d’autres en s’épaulant, en se soutenant avec bienveillance et compassion.

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Notre cœur est souvent brûlant, comme il l’était pour les disciples après avoir fait un long chemin intérieurement en présence du Christ ressuscité. L’essentiel est de savoir si nous resterons à Emmaüs, ou si, remplis de joie, nous retournerons à Jérusalem pour accomplir notre part du projet de Dieu pour l’humanité.

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Comme disait le Frère Michel-Pierre Morin dans une de ses homélies :

Il s’agit de savoir si nous reprendrons ce chemin d’Emmaüs à l’envers, pour retrouver tous les hommes et les femmes qui y sont encore et être, auprès d’eux le visage, le geste, la parole, le feu de la présence rassurante et bienveillante du Seigneur Jésus. Nous serons ainsi, à l’image du Christ, quelqu’un au milieu d’eux qui marche, qui écoute, qu’ils écoutent peut-être, qu’ils retiennent à manger parce que ce moment de rencontre apporte un baume à leur souffrance et leur redonne de l’espérance.