top of page

LA FAMILLE, LE SYNODE, RÉFLEXIONS ET ENJEUX

LA FAMILLE, LE SYNODE, RÉFLEXIONS ET ENJEUX

Un témoin et participant privilégié au Synode des Évêques sur la famille, tenu à Rome en octobre 2015, l'évêque de Valleyfield met en relief la perspective de la conscience dans les choix du chrétien. Outre la doctrine, la conscience personnelle informée éclaire le discernement à faire, quand vient le moment de vivre sa vocation familiale.
« [Il faut] ...être à l’écoute des familles et les aider à vivre dans la fidélité et la vérité de l’amour » 
pape François, Homélie du 4 octobre 2015

Du 4 au 25 octobre 2015, j’ai eu le bonheur et la joie de participer à Rome au Synode des Évêques sur « La vocation et la mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain ». Cet événement ecclésial très important regroupait 270 pères synodaux (évêques et cardinaux), plusieurs experts laïques et dix-sept couples provenant de différents pays.

L’instrument de travail qui a servi de base aux travaux en congrégation générale ou en petits groupes linguistiques comprenait trois parties : la première portait sur les défis auxquels font face les familles d’aujourd’hui ; il s’agissait de considérer la réalité de la famille d’aujourd’hui dans la complexité de ses lumières et de ses ombres. Être à l’écoute de cette réalité, c’est prendre acte de la diversité des modèles et des situations, c’est saisir les éléments positifs présents dans ces situations qui ne correspondent pas encore ou ne correspondent plus à l’idéal de la famille chrétienne; c’est aborder cette diversité familiale de façon constructive en cherchant à la transformer en occasions de chemins de conversion et de croissance.

La deuxième partie portait sur la vocation de la famille et le discernement à opérer pour présenter avec une fraîcheur et un enthousiasme nouveaux l’Évangile de la famille, ce que la Parole nous révèle sur la beauté, le rôle et la dignité de la famille fondée sur l’idéal du mariage entre un homme et une femme. Dans cette optique, les Pères synodaux ont insisté sur la nécessité de garder le regard fixé sur Jésus Christ.

La troisième partie traitait de la mission de la famille. Encore là c’est dans la confrontation à la lumière du Seigneur que nous pouvons discerner les voies qui permettront de rénover l’Église et la société dans leur engagement pour la famille. Tout en soutenant la famille chrétienne pour qu’elle soit « Une Église domestique », un lieu où se vivent la foi, l’amour et l’espérance, il faut aussi aider toutes les familles à être des foyers de vie et d’amour ; comme le rappelait le pape François, il faut « être à l’écoute des familles et les aider à vivre dans la fidélité et la vérité de l’amour » (Homélie du 4 octobre 2015). Nous devons être en mode de sortie et rejoindre les familles dans leurs drames, leurs échecs et leurs conflits pour leur exprimer la tendresse et la miséricorde de Dieu.

Deux pôles ont semblé se démarquer pendant les discussions entre les pères synodaux, l’un portant sur le maintien strict de la doctrine et la présentation de la vérité, et l’autre sur l’importance de la miséricorde ; les pères se sont mis d’accord sur le fait que ces pôles doivent s’apprécier l’un avec l’autre, et non l’un sans l’autre. Comme l’a rappelé le pape François, « l’Évangile est une Bonne Nouvelle, non un catalogue de principes et de normes », et que « les vrais défenseurs de la doctrine ne sont pas ceux qui défendent la lettre mais l’esprit ; non les idées mais l’homme ; non les formules mais la gratuité de l’amour de Dieu et de son pardon » (Discours du 24 octobre 2015).

Bien entendu, d’intenses discussions ont eu lieu autour de la principale pierre d’achoppement (les médias s’en sont fait l’écho) : l’accès aux sacrements pour les personnes divorcées remariées. C’est d’ailleurs sur ce point que portait ma présentation. En toute humilité, j’ai fait valoir qu’une approche pastorale digne de ce nom se doit d’accompagner ces personnes sur un chemin de discernement faisant appel à leur conscience, conscience qui bien sûr doit être bien formée. On fonde habituellement l’impossibilité d’accueillir les personnes divorcées remariées aux sacrements parce qu’elles vivent dans une situation au moins matérielle ou objective de péché. Cette situation peut-elle à elle seule déterminer l’attitude pastorale qu’il convient d’adopter dans des cas particuliers. Ne faut-il pas considérer les critères subjectifs tels que le plein consentement, la connaissance de cause et l’option de base de la personne ? N’y-a-t-il pas nécessité de prendre en compte le critère de la conscience qui permet de passer du plan doctrinal au plan pastoral ?

C’est un principe fondamental de la morale que le sujet agissant se qualifie moralement non pas en rapport avec la loi morale objectivement considérée mais en rapport avec la loi telle que la lui présente une conscience dûment informée, une conscience qui s’efforce d’être vraie. Lorsqu’on doit se prononcer sur la validité du mariage, on est très attentif à discerner le contenu réel de l’engagement matrimonial initial. Il faudrait se montrer aussi attentif à faire la vérité sur la situation vécue par une personne divorcée remariée qui veut accéder aux sacrements, et pour cela, prendre en compte son jugement de conscience. Voilà pourquoi il faut penser à offrir aux personnes divorcées remariées un temps de discernement bien structuré qui les aiderait à prendre conscience des enjeux de leur situation, des exigences de la morale, des possibilités d’un appel à la continence, au fond, former leur conscience. Au terme, la personne jugerait en conscience de la conduite à tenir et, avec l’accord d’un accompagnateur, elle pourrait éventuellement accéder au pardon du Seigneur et à la table eucharistique.

Ce Synode sur la famille s’est bel et bien tenu sous le signe de la collégialité et de la synodalité, en respect avec la diversité des cultures. Ce sera un Synode marquant, car il manifeste la volonté de l’Église d’être une Église synodale, à l’écoute du peuple de Dieu, une Église soucieuse d’annoncer la joie de l’Évangile à toute l’humanité et de marcher spécialement à la rencontre et avec les personnes blessées de la vie. En ce sens, l’Esprit a soufflé dans et par le Synode un vent de fraîcheur pastorale. Le rapport final du Synode n’offre pas de solution concrète sur des sujets chauds mais il se penche sur la vie réelle des familles et se présente sous le signe du discernement, de l’accompagnement et de la tendresse. Et comme le disait le pape François dans son discours lors de la conclusion du Synode le 24 octobre 2015, «  il (le Synode) ne signifie certainement pas avoir achevé tous les thèmes inhérents à la famille, mais avoir cherché à les éclairer par la lumière de l’Évangile, de la tradition et de l’histoire bimillénaire de l’Église, infusant en eux la joie de l’espérance sans tomber dans la facile répétition de ce qui est indiscutable ou le déjà dit ».

vol. 121, no 1 • 15 mars 2016

bottom of page