ÉDITORIAL
IMPASSES ÉCONOMIQUES ET ALTERNATIVES
Ce numéro de la Nouvelle Revue Franciscaine porte sur les impasses économiquesvécues à grande échelle et les alternatives qui s’ouvrent devant nous. La situation est globale sur la planète et critique pour chaque pays et chaque citoyen. Nous sommes à une époque où plus que jamais, ce qui survient ailleurs loin de nous, a des impacts rapides et considérables sur notre propre vie chez nous. Les technologies que nous pensions toutes puissantes se révèlent comme des outils impuissants, comme le sont les idoles, et nous sommes renvoyés à nous-mêmes, à nos choix, à nos valeurs, à ce que nous croyons.
Notre dossier Impasses économiques et alternatives comporte cinq articles.
Monsieur Claude Béland, ancien directeur du mouvement Desjardins, dresse la table en ouverture du dossier. Il nous rappelle qu’en 2016, 3 % le la population détient 50 % de la richesse mondiale. Dans son article, Si on s’y mettait, Michel Rioux nous rappelle que même les grands bonzes du système économique mondial (Réserve fédérale américaine, Fonds monétaire international) s’alarment de ces inégalités auxquelles fait référence monsieur Béland. Aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire nous invite à faire autrement. Bruno Leroy se fait l’écho de monsieur Rioux. Il faut arrêter l’exclusion et faire autrement en remettant l’humain avant l’économie, écrit-il. Il nous faut entrer dans le temps du partage. Leroy en est convaincu : nous pouvons nous organiser autrement.
L’article de Nahid Aboumansour, intitulé les Petites mains, saisit la balle au vol. Mme Aboumansour travaille surtout avec des femmes issues de l’immigration. Elle a aidé à mettre sur pied un programme pour redonner une dignité à ces femmes dans leur société d’accueil. Son approche s’élève au dessus des impératifs économiques, sa mission est aussi bien sociale qu’économique. On ne peut séparer l’un de l’autre. Monsieur Rioux a mentionné la plus grande place qu’occupe l’économie sociale et solidaire. Avec les Petites-mains, on y est plongé. En clôture de dossier, l’historien et chercheur franciscain, David Flood, nous décrit le contexte de turbulence sociale et économique dans lequel François d'Assise est né et à grandi. Son chemin de vie est devenu un choix devant l'inacceptable situation sociale humainement dégradante. Comme il l'écrit, il faut de nouveau, à l’image de François, apprendre à prendre soin les uns des autres, savoir se faire proche en travaillant pour le bien commun. Cette grande figure d’Assise nous invite à percevoir dans l’humain un sujet qui est plus que simplement sa force de travail.
Pour accompagner ce dossier, nos chroniques. Elles invitent à approfondir les sillons tracés par les réflexions précédentes. Il ne nous est plus possible aujourd’hui de parler d’économie et de société sans aborder la question environnementale. Dans la chronique écologie, nous vous présentons un texte qui est une transcription et traduction en français d'un message vidéo anglais produit par un autre chercheur, David Couturier, capucin, doyen de l'École des Études franciscaines, Université St-Bonaventure, New York, et produit lors du lancement de l'encyclique du Pape François Laudato Si. En ce mois d'octobre 2016, c'est d'ailleurs le premier anniversaire de ce texte prophétique. La tradition franciscaine affirme que la création n’est pas pour être dominée. Le capitalisme marchand, puis financier, après avoir trop souvent réduit de nombreux humains à leurs forces brutes de travail et considéré les changements climatiques comme des dommages collatéraux négligeables, sont sommés d’élever aujourd’hui leur regard. Sœur Lune et frère Soleil viennent secouer la raison marchande contemporaine.
En parlant de la création, il faut faire le lien avec le texte de Gaston Sauvé dans la chronique Au coeur des mots. Il nous fait part de la réflexion de Cyril Dion dans Demain, un nouveau monde en marche, un livre et un film percutant que vous pouvez encore voir au cinéma. Pour répondre à cette crise environnementale, l’auteur Cyril Dion nous dit que partout, dans le monde, des solutions existent. Il faut apprendre à vivre autrement, écrit-il. Il ne faut plus voir la nature comme un simple objet, un matériau malléable. Elle se révèle de plus en plus comme sujet et partenaire de l’humain. Dans la chronique Quête spirituelle, on trouve une homélie prononcée à la paroisse cathédrale St-Antoine de Longueuil, par le père Christian Rodembourg, lors de la tenue du Forum Social Mondial à Montréal. Le P. Rodembourg nous invite à prendre place dans ce nouveau monde en marche, à s’avancer, avec confiance, en eaux profondes. Il nous faut construire des ponts qui ouvrent à des relations de qualité pour apprendre, comme le soulignait David Flood, à prendre soin les uns des autres. En terminant, pour goûter à un exemple de ce que peut être, concrètement, cette invitation que nous lançait le Povorello il y a 7 siècles, Pierrette Bertrand, dans la chronique Gens qui inspirent, nous présente une femme d’une grande humanité : Marguerite Barankitse, du Burundi. Une femme qui, malgré le surgissement de l’innommable, persiste et signe dans sa mission auprès des plus vulnérables de la société.
Chèr-es internautes, ce numéro de la Nouvelle Revue Franciscaine a été préparé et monté par Étienne Godard. Il s'est fait connaître il y a quelques années par son travail d'édition et publication de la revue Nouveau Dialogue, réalisée en association étroite avec le P. Georges Convert. Étienne devient secrétaire du comité de rédaction et prend le relais du travail que j'ai fait depuis le tournant numérique de notre magazine. J'en suis très heureux et je continuerai de l'accompagner en participant activement au travail de réflexion et préparation mené au comité de rédaction.
Cette réflexion que nous vous présentons peut apparaître critique et pessimiste parfois. Mais elle nous conduira à une espérance renouvelée et enracinée dans le réel.
Bonne lecture !