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GARDER MÉMOIRE

PAROLES DE CLAIRE ET FRANÇOIS

SŒUR NOËLLA clarisse du monastère de Sherbrooke

Claire d’Assise vivait en présence du Très Haut ; et tout geste ramenait à son esprit la présence vivante du Seigneur Jésus. Voici ce que nous apprend un extrait de son procès de canonisation.
« Ayant entendu chanter après Pâques « Vidi aquam (J’ai vu de l’eau sortant du temple…) », madame Claire s’en réjouit tant et se le tint tant présent à l’esprit que toujours, après manger et après Complies, elle se faisait donner à elle et à ses sœurs l’eau bénite. Elle disait à ses sœurs : « Mes sœurs et filles, toujours vous devez vous rappeler et garder en votre mémoire cette eau bénie qui sortit du côté droit de notre Seigneur Jésus Christ pendant en croix. » (Pr XIV, 8 )
Ce fait rapporté au procès de canonisation, est très révélateur de l’élan spirituel qui anime Claire. La paraliturgie, peut-être nouvelle à l’époque, qu’elle invente pour elle-même et ses sœurs, est l’expression spontanée de ce qui habite sa prière et sa contemplation. C’est le souci de garder mémoire du grand mystère du salut hautement symbolisé par l’eau sortie de la plaie du côté du Christ en croix.
Si nous gardons le souci de faire mémoire du grand Mystère, tout peut nous rappeler, comme à François et à Claire, « l’amour que le Christ a eu pour nous et tout ce que pour nous, il a dit, fait et souffert » (cf. Pater 8).
SE SOUVENIR

On sait que Claire a souvent versé «d’abondantes larmes» en se remémorant les souffrances du Seigneur. Ses larmes n’ont rien d’un apitoiement doloriste entretenu par une sorte de cinéma intérieur mélodramatique. Il faut relire sa 4e lettre à Agnès, pour découvrir sa manière personnelle de compatir aux douleurs de la Passion du Christ. Au Christ souffrant, dit-elle, « répondons, d’une seule voix, d’un seul esprit … ‹Je me remémorerai ta mémoire…› » (A4, 26). De même, elle recommande à Ermentrude : « Que sa mémoire ne sorte jamais de ton esprit… » (Erm 11). Se souvenir, faire mémoire. C’est là l’acte d’une foi solide et profonde qui la saisit toute et provoque des larmes de compassion et de reconnaissance.

Claire a contemplé durant plus de 40 ans la grande icône du crucifix de Saint-Damien. Le Christ y est représenté debout, glorifié, serein et vivant. Le sang jailli de ses plaies déverse largement le salut sur les hommes et sur le monde. Sous la plaie du côté droit, on retrouve Marie, sa mère, la première des sauvés et Jean le disciple bien-aimé. Cette contemplation de « l’ineffable charité » du Christ donnant sa vie pour le rachat du monde réjouit intensément Claire et transporte son âme d’ardeur généreuse.

L’eau bénite qu’elle se fait donner au cœur de sa vie ordinaire devient une contemplation en geste, l’expression du souvenir qui ne la quitte pas, celui du grand mystère de la rédemption, de l’abaissement du Christ venu en ce monde par amour pour nous sauver.

Le crucifix de Saint-Damien détail : la plaie du côté.

UN RITE A REDÉCOUVRIR

L’eau bénite à Pâques nous invite aussi à raviver la joie d’être sauvé(e)s, à faire mémoire de notre baptême. Nous valons le sang du Christ qui «nous a rachetés très cher». (1Co 6,20) Dans notre société, les œufs en chocolat sont beaucoup plus visibles que l’eau bénite. Pourquoi alors ne pas chercher à redécouvrir et à faire connaître leur signification pascale ?

Depuis la nuit des temps, l’œuf est symbole de renaissance et de fécondité. Il a donc naturellement trouvé place dans les rites populaires associés à la célébration de la résurrection du Christ. Dès le IVe siècle, les chrétiens apportaient à Pâques des œufs à l’église pour les faire bénir. L’Église conserve toujours une oraison spéciale pour la bénédiction des œufs de Pâques, demandant « qu’ils deviennent un aliment salutaire pour les fidèles qui en useront en action de grâce pour la résurrection du Seigneur ». 


Si nous gardons le souci de faire mémoire du grand Mystère, tout peut nous rappeler, comme à François et à Claire,  « l’amour que le Christ a eu pour nous et tout ce que pour nous, il a dit, fait et souffert » (cf. Pater 8).

vol. 120, no 2 • 15 avril 2015

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