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LES FRANCISCAINS AU QUÉBEC ET AU CANADA (3)

HISTOIRE FRANCISCAINE D'ICI

III – Évolution accélérée et déclin numérique : 1960-2010
Comme la plupart des communautés, les Franciscains marchent dans un épais brouillard. Les supérieurs règlent les problèmes au jour le jour et occupent graduellement des positions de repli. Ils demeurent cependant à l’affût des appels venus du monde pour « faire produire au vieil arbre de nouveaux fruits ».

Au mitan des années 1950, le Québec est en effervescence. La modernité pénètre toujours plus profondément les masses urbaines. D’où une baisse de la pratique religieuse et un affadissement de la foi. Le rôle de l’Église dans la société est remis en cause.  La mort de Pie XII (1958) et de Duplessis (1959), puis la victoire du parti libéral, dirigé par Jean Lesage, à l’élection générale de 1960, et le Concile Vatican II (1962-1965) favorisent les forces de renouveau. Le Québec vit sa révolution tranquille. La société religieuse tente d’adapter son agir pastoral à une société en voie de déchristianisation. Partout, en effet, les cadres de chrétienté s’effritent ; la société québécoise se déconfessionnalise et se décléricalise ; une coupure radicale est en voie de s’opérer entre la religion et le vécu de larges couches de la population.

DES TENSIONS MULTIPLES

Cette évolution du catholicisme québécois constitue la trame sur laquelle les Franciscains vont moduler leur propre histoire. Chez les Franciscains apparaissent les mêmes tensions que dans l’Église québécoise. Des tensions générationnelles : par exemple les clercs en formation récusent le paternalisme de leurs maîtres. Des tensions d’adaptation : les nouveaux ordonnés n’acceptent plus d’être propulsés dans le feu de l’action après avoir vécu huit ans en vase clos. Des tensions conventuelles : le conformisme religieux et la régularité monastique sont perçus comme une entrave à la vie fraternelle. Les frères convers cherchent à redéfinir leur rôle dans la Communauté. Et l’usage du costume séculier, même dans les grands couvents, tend à se généraliser. De plus l’affluence des retours d’Europe produit, à l’occasion, des diffractions idéologiques dans les esprits…

DES FERMETURES

De 1960 à 1970, la Province St-Joseph connaît encore 37 ordinations, mais enregistre 69 décès. Les signes d’un vieillissement accéléré de la communauté se multiplient. Dès 1966, le studium de théologie est fermé, et les clercs vont étudier au Grand-Séminaire ou à la nouvelle Faculté de théologie de l’Université de Montréal. De plus, à partir de 1967, les sources de recrutement sont presque totalement taries, et les retours à l’état laïc se font nombreux, au moins jusqu’en 1980. À court de professeurs et de moyens financiers, et en concurrence avec un vigoureux secteur public d’éducation, les Franciscains doivent fermer un à un leurs collèges : le Collège Didace-Pelletier à Sorel en 1965, l’Externat classique de Longueuil en 1967 et le Séminaire St-Antoine à Trois-Rivières en 1968. La prédication connaît aussi ses difficultés. Triduums et retraites paroissiales attirent de moins en moins de fidèles et ceux qui y « assistent » remettent en question le sermon traditionnel. Le travail auprès des fraternités de l’Ordre franciscain séculier (Tiers-Ordre) continue cependant de porter des fruits, même si la relève se fait attendre.

Comme la plupart des communautés, les Franciscains marchent dans un épais brouillard. Les supérieurs règlent les problèmes au jour le jour et occupent graduellement des positions de repli. Ils demeurent cependant à l’affût des appels venus du monde pour « faire produire au vieil arbre de nouveaux fruits ». Entre-temps, faute de sujets, on doit abandonner des œuvres jugées importantes. La revue Culture disparaît en 1970. On vend le camp d’été du Mont-Tremblant en 1971. On ferme la Maison de retraites fermées à Amos en 1974. Et on se départit du Couvent de Biddeford (USA) en 1975 – sans parler de plusieurs paroisses qu’on cesse de desservir, faute de personnel.

DES MISSIONS AUTONOMES

Ajoutons que, depuis 1937, dix franciscains d’ici étaient allés missionner en Corée, avec à leur tête le P. Justin-M. Bellerose. Mais quand, en 1969, l’ensemble des franciscains coréens décide de former la Vicairie des Saints-Martyrs de Corée, la Province St-Joseph voit alors 15 de ses religieux coréens passer à la Vicairie : 3 prêtres, 5 clercs et 7 frères convers. De même quand, en 1978, est fondée la Province japonaise des Saints Martyrs, on évalue à 62 le nombre des franciscains canadiens ayant œuvré au Japon ; et ceux-ci avaient assuré parmi les Japonais une relève franciscaine de qualité. La Province St-Joseph voit alors 48 de ses religieux – 41 Japonais et 7 Canadiens - devenir membres de la nouvelle Province. Au total, la Province St-Joseph compte donc alors 63 membres de moins.

UNE PASTORALE D’ENTRETIEN

Entre-temps, la majorité des Franciscains – surtout les plus âgés – vivent dans les grands couvents, à Québec, Trois-Rivières, Sorel, Lennoxville et Montréal (St-Joseph et La Résurrection). La vie conventuelle comporte toujours la récitation de l’Office divin en commun, une ou plusieurs eucharisties offertes au public, les repas en commun, les rencontres capitulaires plus ou moins fréquentes, les services domestiques et fraternels, ainsi que de la  « pastorale d’entretien » comportant accueil des gens avec « accompagnement spirituel » ou célébration du sacrement du pardon. Les pauvres sont aussi nombreux à frapper à la porte des couvents. Les frères portiers, qui sont à l’accueil, recourent, selon les cas, au sandwich ou au vestiaire des pauvres. Ajoutons que chaque couvent a souvent la responsabilité de l’animation de plusieurs Fraternités de l’Ordre franciscain séculier (Tiers-Ordre), en plus de divers autres services pastoraux.

vol. 120, no 2 • 15 avril 2015

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