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ÉCOLOGIE

PAR-DESSUS TOUT, LA SIMPLICITÉ

Des commentaires pertinents inspirés par l'Évangile et collés sur plusieurs courtes phrases tirées de textes connus. Le langage de l'Évangile apparait naïf parfois, mais il est si directe et concret.

Il nous garde en éveil, attentifs.

La religion chrétienne – et la catholique plus encore – semble compliquée.  Les raisons en sont nombreuses et mon propos n’est pas de m’y attarder.  On m’a demandé de mettre en évidence certains liens entre l’évangile et la question écologique.  Le rapprochement le plus évident, pour moi, consiste à montrer la simplicité de certains enseignements de Jésus, tout proches de la vie courante.  La crise écologique est le sous-produit d’une technique devenue folle, violente et agressive et d’un besoin inassouvi, et toujours exacerbé, de consommer, de consommer à l’infini.  Jésus oppose à cela l’amour de Dieu et des autres.  Il évoque des questions de tous les jours.  Il le fait surtout dans les paraboles, des petites histoires à sens multiples mais aussi dans des consignes de vie.  Je donne quelques exemples.

« Heureux les doux, car ils posséderont la terre. »
(Mt 5,4)

On ne parle pas ici des peureux, des pusillanimes, des flancs mous, mais des gens simples qui contrôlent leur appétit (les pauvres) et leur propre violence.  Plus on est dur et violent, plus on est stressé et moins l’on est heureux.

« Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens; ils s’imaginent qu’en parlant beaucoup, ils se feront mieux écouter. »
(Mt 6,7)

Prier, c’est se tenir devant Dieu les mains ouvertes en se vidant de soi-même.  Nous ne savons plus faire cela devant la nature, devant un soleil levant, devant un arbre, une montagne, au crépuscule.  « Votre Père sait bien ce qu’il vous faut » (Mt 6,8).  Respirez, lâchez prise, faites confiance.  On pourrait appeler cela : écologie 101.

« Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent. »
(Mt 6,20)

Cela fait longtemps que notre société a choisi l’argent.  Le maître à penser de notre société, le juge final du bien et du mal, c’est l’économiste.  Nous répétons à l’infini le jeu de « La poule aux œufs d’or »).  L’œuf ou l’argent ?  Dieu ou l’argent.  Et parce que toujours nous préférons l’argent, nous nous dégradons et le milieu écologique se dégrade aussi en accéléré.

« Ne vous inquiétez pas pour votre vie, de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez.  La vie n’est-elle pas plus que  la nourriture et le corps plus que le vêtement? »
(Mt 6,25)

Ici, on a l’impression que Jésus s’amuse.  Manger c’est important et c’est l’obsession de tous les animaux.  D’ailleurs, un jour d’oubli, Jésus multipliera les pains (Mt 14,13-21; Marc 6, 31-44; Luc 9, 10-17; Jean 6, 1-13).   Le vêtement aussi est essentiel car il protège contre le froid et la chaleur et surtout il nous donne une place dans la société.  ‘Mais ici Jésus commente en faisant confiance à la bonne providence de Dieu qui prend soin des choses.  Pour Jésus, comme pour toute la pensée ancienne, Dieu gère directement la nature.  Jésus ignore les processus complexes de l’équilibre naturel.  Les oiseaux doivent trouver leur nourriture et si cette dernière leur manque absolument ils en meurent. 

« Observez les lis des champs, comme ils poussent : ils ne peinent ni ne filent.  Or je vous dis que Salomon, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. »
(Mt 6,29)

L’incroyable beauté de la nature.  La beauté est un don, une générosité sans retour.

 

Ici Jésus ignore l’incroyable énergie que les plantes ont développée pour produire des fleurs si belles.  Règle générale, les plantes ne se fécondent pas elles-mêmes.  C’est pourquoi elles produisent des fleurs contenant des cellules mâles (étamines) et des cellules femelles (pistils).  Le transfert des unes et des autres d’une plante vers l’autre se produit en général par un insecte (v.g. abeilles, papillons, etc.) ou un oiseau (v.g. colibri).  Tout au long de la sélection naturelle, les fleurs ont opté pour les formes et les couleurs les plus susceptibles d’attirer les pollinisateurs dont elles ont besoin.  Système incroyable de séduction.  Jésus ne s’attarde pas sur le mécanisme.  Il dit simplement : « Faites confiance ».  Bien sûr les humains doivent s’occuper d’agriculture, d’art culinaire  et de tissage.  Avant toute chose, ils doivent faire confiance.

« Voici que le semeur est sorti pour semer. Et comme il semait… »
(Mt 13,3)

C’est la parabole de la semence, une leçon de choses tirée directement de la vie quotidienne du temps.  Le cœur humain est une terre, bonne ou mauvaise, selon l’attitude de chacun.

 

« Le Royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et semé dans un champ ». (Mt 13,31) Une autre leçon de choses.  Une graine minuscule, mais une plante potagère luxuriante. Il y a disproportion entre l’humilité de la semence évangélique et les résultats possibles.  Il y a là la démesure de Dieu.  Y croyons-nous ?

« Le Royaume de Dieu est semblable à un levain qu’une femme a pris et enfoncé dans trois mesures de farine. »
(Mt 13,31)

J’aime particulièrement cette histoire.  On y parle d’une femme et du pain.  Un peu de levain et la pâte se gonfle.  Le merveilleux goût du pain, l’éternel miracle du pain.  Et cette saveur inachevée de la présence de Dieu dans la vie humaine !

« Personne ne coud une pièce de drap non foulé à un vieux vêtement, autrement la pièce neuve tire sur le vieux vêtement et la déchirure s’aggrave. »
(Mt 2,21)

Que dire de cette petite remarque issue de l’expérience ?

Jésus parle alors des temps nouveaux qu’il est venu inaugurer.  Ici encore il évoque un geste de femme de son temps.  Ainsi parle Jésus du Royaume de Dieu : un trésor trouvé dans un champ, une perle rare, une semence qui pousse d’elle-même jour et nuit, une brebis perdue et retrouvée qui est l’occasion d’une fête. (Lc 15,4-7)

 

De même, Jésus utilise le bestiaire de son milieu.  Hérode est surnommé renard (Lc 13,32) à cause de sa ruse.  D’ailleurs, autrefois, le renard s’appelait goupil et n’est devenu renard que par la magie d’un roman.  Les brebis sont douces et les loups cruels (Mt 10,16).  La colombe est le symbole de l’Esprit et Jésus recommande à ses disciples de se montrer prudents comme des serpents et candides comme des colombes (Mt 10,16).  Pour les serpents, ça va.  Pour les colombes, c’est moins sûr.  Parce qu’elle est blanche la colombe évoque la paix et la douceur.  Conrad Lorenz estime que c’est un animal plutôt belliqueux et jaloux.  Peu importe si les colombes ont fausse réputation (comme le lynx qui est plutôt myope, etc.) : on comprend tout de suite le langage de Jésus.

 

Le ciel rouge qui annonce le beau temps, les ciels d’orage, la mer calme ou agitée, le petit chien qui mange les miettes, c’est en mots très simples, en images de nature et de vie concrète que Jésus parle du royaume.  Saint Paul en a parlé d’une manière très abstraite et très solennelle.  Au bout de mon âge, j’aime retrouver l’âpre saveur des évangiles.

De la simplicité par-dessus toutes choses.  Langage naïf, souvent.  Mais langage direct, concret et tout proche de la nature.  La préoccupation écologique n’y est pas formulée explicitement.  Mais l’attitude suggérée ressemble beaucoup à ce que nous cherchons à retrouver maintenant que la crise est à nos portes.  Jésus nous tient éveillés à l’égard des « signes des temps » (Mt 16,3).

L’incroyable beauté de la nature. 
La beauté est un don, une générosité sans retour.

vol. 122, no 4 • Décembre 2017

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