Marie avait cinq ans quand des soldats entrèrent dans l’église où elle assistait à la messe avec sa tante. Des coups de feu retentirent et la femme à ses côtés tomba ainsi qu’une centaine de paroissiens. L’enfant se retrouva sous des cadavres, baignant dans leur sang, feignant la mort jusqu’au soir. À la tombée de la nuit, quand le silence enveloppa les lieux, elle sortit et courut à sa maison déserte.
Il est projeté que le Pape François publiera son encyclique avant l’été. Quelles que soient mes attentes, je suis sûr qu’il va nous surprendre !
Douze ans plus tard, alors qu’elle travaillait comme couturière dans une manufacture, elle accepte la proposition qui lui est offerte d’accompagner un fonctionnaire et sa famille nommés à l’ambassade du pays à Ottawa. De victime du génocide, elle devient travailleuse domestique, responsable 24 h/24 de la maison et des enfants, au service du maître. Sa chambre occupe un espace au sous-sol, son matelas posé directement sur les dalles. Pour dormir au chaud, elle repasse ses draps. Dépouillée de son passeport et de ses cartes d’identité, la voila devenue esclave avec un seul espoir : retrouver ses papiers et fuir.
Trois années passent et un jour, son maître lui annonce qu’il est rappelé au Rwanda et qu’il la confie à un ami de St-Hubert. Il lui cache qu’il a faussé les papiers… À l’immigration, il a déclaré que Marie est mariée et qu’elle parraine son fils demeuré au Rwanda. La vérité est que ce fils est l’enfant du maître qu’il espère par ce moyen faire venir à Montréal. Chez l’ami, Marie jouit d’une plus grande liberté mais elle vit avec les séquelles post-traumatiques de son état et sa santé est chancelante. Elle demande une consultation médicale et découvre que ses papiers sont périmés. Elle devra d’abord faire les démarches nécessaires à la légalisation de sa présence au Canada. C’est alors qu’elle apprend d’un fonctionnaire de l’Immigration que son dossier a été modifié et qu’elle vit dans l’illégalité. Désespérée, elle se rend à Montréal, décidée à retrouver une femme de son village qui pourra peut-être l’aider à rétablir la vérité.
Pendant deux ans, avec le support des amies et le soutien financier de bienfaitrices, un avocat consciencieux entreprend les démarches pour que Marie puisse au moins être reconnue « cas humanitaire ». Pendant ce temps, elle loge à Montréal et s’implique au Centre d’action bénévole de son quartier en attendant l’obtention d’un permis de travail qui l’autorisera à gagner sa vie. Sans famille et inquiète du sort qui l’attend, elle voit passer les années avec le seul espoir que le Canada ne la laisse pas tomber. Ses nuits sont habitées par les cauchemars d’une déportation prochaine et chaque matin, elle se rend à son casier postal espérant trouver réponse à son sort. Permis de travail en main, elle fait des ménages à domicile, accompagne des personnes âgées à l’épicerie… Enfin, après 10 ans de séjour au Canada, elle reçoit sa résidence permanente.
À Noël, elle écrivait à ses amies : « Vous m’avez sorti du trou… vous m’avez fait exister… Mon Dieu a entendu ma prière et m’a donné une seconde vie. Je n’aurai jamais assez d’années pour le louer et remercier les personnes qui m’ont sauvée. Je pense maintenant à celles qui n’ont pas eu ma chance comme moi et je demande à Dieu que les femmes trafiquées retrouvent leur dignité ».
La semaine dernière, Marie recevait la nouvelle de son acceptation comme citoyenne canadienne.
image©UISG
(Union internationale des supérieures générales)