« Un homme du peuple, un vrai de vrai, comme on les aime au Québec! » écrivait Michel Rioux. Un géant qui, toute sa vie, a cherché à vivre l’Évangile avec les démunis, les exploités et les plus faibles. Un Frère mineur capucin qui avait choisi son camp en devenant prêtre-ouvrier, comme on les nommait, il y a quelques années. Un homme de compassion qui portait dans sa chair ce que l’apôtre Paul prêchait : une foi sans les œuvres est une foi morte.
Un ardent défenseur des démunis s’est éteint… Les prophètes montrent le chemin… À nous maintenant de recueillir l’héritage qu’il laisse et d’avancer, poussés par ce souffle provocateur.
À partir de 1973, il s’investit dans la pastorale ouvrière. Pour lui, être un témoin crédible, c’est être prêt à aller jusqu’au bout de la vie. En 1975, il se fait embaucher comme magasinier à l’hôtel Hilton de Québec où un syndicat américain impose sa loi. Avec quelques autres ouvriers, collègues de travail, il mène âprement la lutte, subit un congédiement et, après cinq ans de procès, gagne finalement la cause en Cour suprême du Canada Peu d’employés savent aujourd’hui ce qu’ils doivent à ce petit frère, humble parmi les humbles, qui s’est battu pour eux il y a près de 35 ans.
En 1990, c’est dans la région de l’Outaouais que sa solidarité s’exerce. Il défend les mères monoparentales contre les enquêteurs de l’aide sociale et prend le parti des femmes démunies en quête de logement. « C’était chez nous le Jésus québécois », confie Nathalie, une intervenante au Centre Espoir Rosalie, un centre d’hébergement pour femmes fragilisées. On voyait en lui l’homme simple, rempli d’amour et d’humour, qui savait redonner de la dignité aux personnes blessées par la vie. Il participe activement à la création d’une OSBL d’habitation dédiée aux personnes seules itinérantes, une maison qui deviendra « Mon Chez Nous ». Il collabore à une campagne de financement pour le Dépanneur Sylvestre, participe à des manifestations pour réclamer un financement récurrent pour les organismes communautaires. Porteur de vision et prêt à exposer ses arguments aux plus hautes sphères pour défendre ce qu’il estimait juste, il est de toutes les luttes sociales.
Le 21 avril 2010, le Frère Benoît reçoit le prix Hommage bénévolat-Québec du ministre de l’Emploi et de la solidarité sociale. À cette occasion, il prononce un discours qui traduit la motivation de ses 30 ans de bénévolat au service des appauvris. « En recevant ce prix, dit-il, je ne veux pas être complice du désengagement des gouvernements qui se fient sur le bénévolat et sur la charité privée des compagnies pour couper dans les programmes sociaux. Les derniers budgets en sont de belles illustrations… Mon expérience m’a fait changer d’analyse et d’engagement. Au début, j’ai vu des pauvres et je suis passé à la charité. Peu à peu, en voyant les causes de la pauvreté, j’ai compris qu’ils étaient des appauvris et je suis passé à la justice. Je suis même arrivé à voir des opprimés dans ces situations et je suis passé à la libération… »
En même temps qu’il partage l’expérience des milieux populaires, il interpelle la famille franciscaine et les congrégations religieuses. À la façon de François d’Assise qui vénérait sa mère l’Église mais qui se gardait suffisamment libre pour dépoussiérer l’institution, Benoît dénonce les structures trop rigides qui excluent, les paroles qui condamnent et les lois qui imposent des fardeaux trop lourds. L’exclusion des femmes de certains ministères dans l’Église le préoccupe.
Il écrit de nombreux articles sur la spiritualité dans l’action, la prière de contemplation dans la chair vive de l’humanité. Il martèle ses slogans : « Le monde est en situation d’urgence! Nous sommes dans une Église en transit! Nous ne sommes pas des petits vieux - des petites vieilles - qui fuient les courants d’air et qui se bercent dans un confort insouciant en attendant l’éternité! Imiter Jésus de Nazareth, ce n’est pas le mimer! C’est reprendre dans sa propre existence, dans un contexte précis et avec sa propre personnalité, les choix, les gestes et les paroles, Bonne Nouvelle pour les humbles.
Un ardent défenseur des démunis s’est éteint… Les prophètes montrent le chemin… À nous maintenant de recueillir l’héritage qu’il laisse et d’avancer, poussés par ce souffle provocateur.