DES FEMMES EXCEPTIONNELLES DANS L’AVENTURE DE VILLE-MARIE
ÉDITORIAL
ÉTIENNE GODARD SECRÉTAIRE DU COMITÉ DE RÉDACTION
Il est pour le moins surprenant de reconnaître, dans notre société laïque du 21e siècle, le rôle créateur et rassembleur joué par la pensée religieuse. Cet idéal représente un ferment puissant dans la fondation de Montréal en 1642. Le 17e siècle est à cheval entre deux mondes. Isaac Newton va expliquer le mouvement des corps célestes, mais passe encore beaucoup plus de temps à l’étude des Écritures saintes. Dans un continent européen en pleine transformation, où le centre dynamique bascule de la Méditerranée au nord de l’Europe, où le parvis de l’église cède le pas au parvis de la bourse, la pensée religieuse arrive toujours à « déplacer des montagnes ». Le désir de mettre sur pieds un monde neuf qui serait en phase avec l’idéal missionnaire chrétien fait naître des solidarités.
L’idée d’ériger Ville-Marie, en Nouvelle-France, représente ce lieu neuf, où les murs de l’Ancien Monde sont absents, quoique rapidement de nouveaux vont s’élever entre colons français et Iroquois. On a parfois qualifié les penseurs qui ont mis au monde l’idée de Ville-Marie de « mystiques ». La guerre des 30 ans qui secoue l’Europe dans la première moitié du 17e siècle, par sa sauvagerie et ses atrocités commises par les différentes armées qui s’affrontent, n’est certainement pas étrangère à cette « fièvre ».
Dans cette fenêtre d’opportunité, des femmes vont s’y engouffrer avec beaucoup de panache. C’est ce que l’histoire de la fondation de Montréal nous enseigne et c’est ce que ce numéro de Chemins franciscains veut mettre en lumière.
Vous trouverez dans le dossier de ce numéro quatre articles. Louise Harel nous présente une réflexion sur les fondatrices. Le sol montréalais va se montrer particulièrement fertile et ainsi servir de pépinière à cet élan missionnaire. Elle cite les auteurs du collectif Clio sur l’histoire des femmes au Québec, « La Nouvelle-France a représenté […] un lieu privilégié pour l’expression de l’autonomie et de l’initiative [….] » pour des femmes venant du monde religieux ou laïc, de la noblesse comme de la bourgeoisie. Ces « héroïnes », ainsi les nomme Louise Harel, sont des figures d’une grande modernité. Anne-Marie Savoie nous présente la figure exceptionnelle de Jeanne Mance, une laïque engagée qu’elle qualifie de rassembleuse. Elle nous montre qu’encore aujourd’hui, Jeanne Mance est une inspiration pour les hommes et les femmes de notre temps. Lorraine Caza nous parle de Marguerite Bourgeoys, qui va s’occuper, au début de la colonie, de l’éducation des jeunes colons. Ce que lui permet la liberté de Ville-Marie, c’est de fonder une communauté particulière, une communauté qui va dépendre uniquement du travail de ses membres. Sœur Ginette Généreux nous introduit à Jeanne Le Ber. Contrairement aux autres femmes dont nous avons parlé plus haut, Jeanne est née à Ville-Marie. Probablement plus que les autres, Madame Le Ber est porteuse d’une tradition : celle des Récluses. Elle n’en avait pas moins les pieds solidement ancrés dans le cœur des habitants de la colonie.
Vous trouverez, dans nos chroniques, le récit d’une autre femme qui a tracé un chemin d’une grande fertilité : Esther Blondin. Comme l’écrit l’auteure, Christine Mailloux, Montréal, dans l’histoire de cette fécondité particulière, en aura une part de choix. Suzanne Giuseppi Testut nous parle d’une dynamique qui a très certainement été présente chez nos fondatrices de Ville-Marie, le combat spirituel, et ce, comme elle le fera tout au long de l’année, en puisant aux sources de François et Claire d’Assise. Dans la chronique spirituelle, Jacques Gauthier nous parle de l’importance du désir dans la tradition chrétienne. Monsieur Gauthier nous mentionne que « le désir nous met en route à la recherche du Dieu […] révélé en Jésus Christ. » Dans sa chronique En pleine action, Lévi Cossette nous fait part, dans le style intimiste qu’on lui connaît, d’une rencontre remarquable qui a fait, d’une des funérailles, « une célébration de la richesse de vie ». Enfin, Gaston Sauvé nous propose un compte-rendu du livre de Jacques Gauthier intitulé Jésus raconté par ses proches. Les proches de Jésus dépassaient le cercle concentrique représenté par les douze apôtres. Ces rencontres, que nous propose l’auteur Jacques Gauthier, nous renvoient aux appels, aux sens et aux engagements qui ouvrent et éclairent l'avenir de notre existence écrit monsieur Sauvé.
Nouvelle mouture
Vous avez remarqué la nouvelle mouture sous laquelle se présente votre revue. Nous avons voulu dynamiser la présentation de nos collaborateurs et collaboratrices afin d’en faciliter l’accès et d’unifier la présentation. En revoyant la présentation de la revue, il nous est apparu nécessaire aussi de revoir son appellation : Chemins franciscains. C’est sous ce nouveau nom que vous sera présentée à l’avenir notre revue. N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires.
Bonne lecture !
Étienne Godard
Secrétaire du comité de rédaction