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MYRIAM, DEVENUE UNE GRANDE FEMME À TRAVERS SA FRAGILITÉ

LUCIE LÉPINE[1]

Dieu est présent dans les situations d’humiliation : Il détrône les souverains et élève ceux qu’ils ont piétinés. Les affamés sont comblés; les riches sont congédiés les mains vides…

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[1] Note : Ce texte est déjà paru dans : Collection : Pour une spiritualité et une foi en évolution vol 1/2021 

Myriam, s’apprête aux derniers préparatifs, dépose dans le berceau les couvertures qu’elle a tissées avec amour pour accueillir l’enfant qui naîtra bientôt. Elle demande à Yôseph de ne pas s’éloigner, car elle pense même que la naissance pourrait avoir lieu cette nuit. 

 

Elle s’assied pour se reposer un peu et se met à réfléchir : 

 

« Que deviendra cet enfant? Il ne sera pas très fier de ses origines. Notre histoire de famille n’est pas très reluisante. Je m’inscris dans une lignée de femmes dont l’exercice de la sexualité s’est écarté des normes reconnues : Tamar qui devient enceinte de son beau-père; celui-ci avait manqué à son devoir en ne lui accordant pas son troisième fils qui lui aurait assuré une descendance ; Rahab, une prostituée qui sauve les deux espions de Josué envoyés en reconnaissance des lieux; Ruth, qui par fidélité et malgré son veuvage accompagne sa belle-mère en terre d’Israël et se donne un mari en se glissant de nuit sous le manteau de Booz; la femme d’Urie, qui fut victime du désir du roi David qui la viola. » 

 

Myriam retourne dans un passé pas si lointain et se remémore des moments qui ne furent pas faciles : 

 

« J’étais mariée à Yôseph et je deviens enceinte alors qu’on ne vivait pas ensemble. Quelle humiliation, quel secret lourd à porter.  Je n’ai parlé de l’événement à personne, car qui m’aurait crue ? Je gardais toutes ces choses dans mon cœur. Yôseph, un peu choqué, a voulu rompre notre engagement en secret pour ne pas me mettre dans l’embarras. J’ai eu beaucoup de peine, car on s’aimait beaucoup, mais je comprenais. »  

 

« Après mûres réflexions, il accepte qu’on vive ensemble. Yôseph est un homme bon et voulut aussi être un bon père pour cet enfant. Je suis heureuse avec lui malgré tous les jugements que j’ai dû subir. J’espère que mon enfant ne souffrira pas trop de cette situation. Les gens se posent des questions. Mais je suis sûre que Dieu est présent dans les situations d’humiliation : Il détrône les souverains et élève ceux qu’ils ont piétinés. Les affamés sont comblés; les riches sont congédiés les mains vides… Yahvé sois dans la vie de mon enfant… » Yöseph! J’ai déjà des contractions, va chercher la sage-femme. » 

 

J’aime Myriam devenue grande dans sa vulnérabilité. 

Entouré de l’amour de Joseph et des soins de la sage-femme, un beau garçon naît. Avec ses cheveux noirs, son teint basané, il est un vrai Nazaréen. 

« Nous l’appellerons Yéchoua, un nom qui s’inscrit dans la tradition, qu’en penses-tu Yôseph ? » 

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DEVENIR QUELQU’UN À TRAVERS SA FRAGILITÉ 

On ne sait pas beaucoup de choses sur l’enfance de Yéchoua. Dans l’Évangile, on dit qu’il grandissait plein de sagesse. J’ose l’imaginer avec un fort caractère, réagissant aux conseils de Myriam. J’adore la représentation de Marx Ernst, peintre et sculpteur du 20e siècle : « La Vierge corrigeant l’enfant ». J’aime cette peinture qui représente Yéchoua comme un enfant récalcitrant, qui en perd son auréole. Qu’on se rappelle sa fugue lors d’un voyage à Jérusalem. Il a dû apprendre le métier de charpentier de son père adoptif et il eut sûrement une belle relation avec celui-ci puisque plus tard il appellera Dieu Abba, papa. 

 

Le Nazaréen a été confronté aux duretés de la vie dès le début de sa vie. Il a sûrement été écorché par les plaisanteries et les questions que les gens se posaient au sujet de ses origines. C’est le fils de Marie. Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? Il en restera toujours marqué, humilié, marginalisé. Départ d’une vie dans la fragilité et dont la fin sera un drame. 

 

J’aime Yéchoua dans sa vulnérabilité parce que sa souffrance lui a permis de comprendre celle des autres. Ma prière de Noël est celle-ci : « Je veux avoir le courage de marcher sur tes pas, de bâtir avec d’autres un nouveau projet de société où l’égalité existe, où chaque personne est reconnue dans sa dignité et a droit au pain. » 

 

Sa priorité pour les personnes marginalisées, sa passion pour la liberté l’ont conduit à la crucifixion. Mais il nous a démontré que la vie est encore possible : on peut devenir quelqu’un à travers sa fragilité.

 

Pour en savoir plus : Gn 38; Jos 2; Livre de Ruth; 2 Sam 11; Mt1,3.5.6.16. 

vol. 129, no 3 • Décembre 2024

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