QUAND L’ESPRIT DONNE RENDEZ-VOUS...
Le défi fondamental que pose le processus synodal à la vie de l’Église renvoie à une nouvelle compréhension de la « communion » conçue en termes d’inclusivité : impliquer toutes les composantes du peuple de Dieu, chacun selon sa propre fonction, de telle sorte que tous puissent se sentir coresponsables dans la vie et la mission de l’Église.
Au moment de lancer le processus synodal, le pape François écrivait aux évêques : « Je serais venu vous le présenter personnellement si cela avait été possible, non seulement parce que c’est dès le commencement que son contenu doit être communiqué, mais aussi parce que c’est dans le processus qu’est déjà le résultat ».
Ainsi, François exprimait qu’un véritable processus synodal exige que non seulement nous marchions ensemble côte à côte sur la même route, mais que nous incarnions le style de Dieu qui parcourt les chemins de l’histoire et partage la vie de l’humanité. De là, l’appel au Peuple de Dieu à favoriser la COMMUNION par l’écoute et le dialogue, notamment par l’attention à la Parole de Dieu en même temps qu’aux joies et aux espoirs, aux tristesses et aux angoisses des femmes et des hommes de ce temps.
FAVORISER LA COMMUNION
Le défi fondamental que pose le processus synodal à la vie de l’Église renvoie à une nouvelle compréhension de la «communion» conçue en termes d’inclusivité : impliquer toutes les composantes du peuple de Dieu, chacun selon sa propre fonction, de telle sorte que tous puissent se sentir coresponsables dans la vie et la mission de l’Église.
Peut-être que dans le passé, on a tellement insisté sur la communion avec la hiérarchie qu’est née l’idée que l’unité de l’Église ne pouvait être atteinte qu’en renforçant l’autorité des pasteurs. Cela ne peut pas être la manière de vivre la communion ecclésiale qui exige la circularité, la réciprocité, le cheminement ensemble en ce qui concerne les diverses fonctions du peuple de Dieu, laïcs, clercs, évêques et cardinaux. « Le principe directeur de cette consultation est contenu dans l’ancien axiome : ce qui touche à tous doit être approuvé par tous, déclare le cardinal Grech. Il ne s’agit pas de démocratie ni de populisme, il s’agit de l’Église qui, en tant que peuple de Dieu, en vertu du baptême est un sujet actif dans la vie et la mission de l’Église ».
INSISTANCE SUR L’ÉCOUTE
Être à l’écoute du peuple de Dieu est la véritable conversion pastorale à laquelle nous sommes invités. Écouter les laïcs qui forment l’immense majorité du peuple de Dieu, reconnaître le rôle des femmes dans la famille et la société, leur compétence dans la vie sociale et familiale et apprendre de leur participation aux diverses expressions de la culture; écouter les jeunes et faire confiance à leur créativité; écouter les pauvres qui n’ont pas toujours leur mot à dire.
Mais comment faire pour que la synodalité dans l’Église grandisse ? Sans cette réelle conversion de la façon de penser, de prier et d’agir, sans un entrainement constant à l’accueil réciproque, les structures ecclésiales synodales pourraient se révéler insuffisantes pour atteindre la fin pour laquelle elles ont été créées. « Si Dieu le veut, écrit encore le cardinal Grech, l’un des fruits du synode est que nous puissions tous comprendre qu’un processus de décision dans l’Église commence toujours par l’écoute, car ce n’est que de cette manière que nous pouvons comprendre comment et où l’Esprit veut conduire l’Église ».
À L’ÉCOUTE DU TEMPS DES HOMMES ET DE CELUI DE DIEU
Il y a sans doute encore beaucoup de chemin à parcourir pour comprendre la profonde réforme de notre existence institutionnelle comme réponse à l’appel de Dieu pour l’Église du 3e millénaire. Le christianisme est parvenu à un stade de son histoire qui appelle une relecture de certaines de ses pratiques et le pape François nous y invite énergiquement.
Si les cinq continents sont tous atteints par l’annonce évangélique, si les villes et les villages de nombreux pays ont été imprégnés jusque dans leur vie institutionnelle par la référence chrétienne, si les textes sacrés sont traduits dans la quasi-totalité des langues pratiquées, le christianisme se heurte cependant aujourd’hui en bien des domaines à un épuisement de son modèle de présence et d’intervention. Plus encore, un sentiment de fracture s’est ainsi progressivement imposé entre le temps des horloges et celui de l’invitation ecclésiale à la communion humaine, entre le temps cosmique et celui du Christ, maître du temps. (Constitution Dei Verbum).
L’ÉGLISE AU QUÉBEC, UNE VOIX À ENTENDRE
La place de la religion catholique au Québec a sensiblement évolué, écrit le professeur Gilles Routhier. « Ce n'est pas simplement en termes de déclin ou d’effacement qu’il faut lire la situation. Je crois, dit-il, que c’est plutôt une figure du catholicisme qui est en train de disparaître. Les fonctions qu’on avait attribuées à l’Église catholique ou au catholicisme au Québec s’effacent l’une après l’autre : protéger la nation, investir dans l’éducation, la santé et les services sociaux, assurer aux citoyens des rites de passage essentiels, offrir le confort spirituel. Mais a-t-on vraiment besoin de l’Église pour assurer le développement de valeurs humaines quand d’autres s’en chargent ? On croyait s’en tirer en pensant qu’au moins, l’Église garantissait la charité, la solidarité sociale et l’entraide au moment du désengagement de l’État, mais d’autres OBLN peuvent répondre à cela. J’en suis venu à penser que cette recherche d’utilité nous mène à une impasse et, à mon avis, passe un peu à côté de l’essentiel. »
CE QUE L’ÉGLISE PEUT OFFRIR
En temps de pandémie, bon nombre de chrétiens ont été à la recherche de confort spirituel. À défaut de se payer une thérapie, on peut aller à la messe. Mais ce confort spirituel n’est probablement pas ce qu’on a de meilleur à offrir. Que peut donc offrir l’Église ? Gilles Routhier poursuit sa réflexion à partir d’une analogie. « Les moines trappistes qui habitaient en Algérie où l’islam sunnite est la religion d’État ne pouvaient pas annoncer explicitement l’Évangile parce que c’était interdit. Pourquoi alors restaient-ils là. Ils ont dû se poser la question et on peut se poser la même question au Québec. Ils restaient là pour offrir un signe de réconciliation et un signe d’un vivre ensemble possible. Ils offraient le signe d’une amitié sociale et la possibilité de construire un monde où il y a des rencontres possibles. Ils donnaient également un signe de l’adoration de Dieu ».
MARCHER ENSEMBLE, EN COMMUNION POUR LA MISSION
La veille de l’élection papale, le cardinal Bergoglio a cité un passage de l’Apocalypse dans lequel Jésus se tient devant la porte et y frappe. Il a ajouté : aujourd’hui, le Christ frappe de l’intérieur de l’Église et veut sortir. Peut-être est-ce ce qu’il vient de faire ? Tomas Halik, grand intellectuel tchèque et professeur de sociologie, pose la question « Où est la Galilée d’aujourd’hui ? Il écrit «Dans le monde, le nombre de chercheurs augmente à mesure que le nombre de résidents (ceux qui s’identifient avec la forme traditionnelle de la religion) augmente. En outre, il y a un nombre croissant d’apathiques. Il existe des chercheurs parmi les croyants, ceux pour qui la foi n’est pas un héritage mais un chemin, comme parmi les non-croyants, qui, tout en rejetant les principes religieux ont cependant un désir ardent de quelque chose pour satisfaire leur soif de sens ». Tendons- leur la main. L’Église doit sortir de son confinement spirituel.
L’Esprit Saint travaille au cœur de chaque personne, dans chaque groupe, en toute circonstance. La conversation spirituelle crée parfois les conditions pour s’ouvrir à l’action de l’Esprit et prendre des décisions selon son inspiration. Cela nécessite cependant d’être attentif à ses propres mouvements intérieurs. C’est de cette manière que l’action de l’Esprit se manifeste. Ne cherchons pas le Vivant parmi les morts. Cherchons-le avec audace et ténacité, et ne soyons pas surpris s’il nous apparaît comme l’étranger d’Emmaüs. En ce temps, la démarche synodale est ce chemin qui nous est offert pour qu’en Église, nous nous laissions rejoindre par le Ressuscité.