INONDATIONS EN BELGIQUE
JEAN CAMBIER, Unité Amani-Imana Belgique
Note de la rédaction : Merci à monsieur Cambier qui nous a fourni ce témoignage des effets dévastateurs causés par les inondations dans son pays. Monsieur Cambier a aussi accepté que son texte soit quelque peu raccourci pour notre publication. Un peu partout dans le monde, ici comme ailleurs, ces scènes de désolation font se développer une grande solidarité qui permet de garder espoir.
Ce texte nous présente un témoignage des effets dévastateurs causés par les inondations probablement dues au réchauffement climatique. Un peu partout dans le monde, ici comme ailleurs, ces scènes de désolation font toutefois se développer une grande solidarité qui permet de garder espoir.
Le mois de juillet 2021 sera inoubliable dans la mémoire des Belges et des historiens des catastrophes naturelles. Tout commence le week-end du 10-11 juillet. L’Institut Royal Météologique (IRM) nous annonce une dépression au-dessus de la Belgique surtout dans sa partie Nord-Est, ainsi qu’en Allemagne. Les bulletins météo, les animations vidéo à la télé et sur internet défilent, … personne ou presque n’y apporte aucune attention.
DES PLUIES INTENSES
C’est la veille de la catastrophe qu’on commence à s’inquiéter. On annonce ouvertement des pluies de 3 jours sans interruption dans l’est du pays autour de Liège et Verviers. Ceux qui n’habitent pas cette région se sentent visiblement non concernés, même s’ils habitent à côté des cours d’eau, des lacs ou dans les vallées. Les petites pluies ordinaires commencent dans la nuit du 12 au 13 Juillet et continuent le lendemain, avec plus d’intensité, toute la journée et dans la nuit les cours d’eau qui alimentent la Meuse commencent à sortir de leurs lits.
Les villes de Verviers, d’Esneux et les villages environnants sont inondés : Les torrents atteignant 2m ou plus et transforment les rues en rivières, font tomber les arbres, arrachent les meubles urbains, traversent les maisons et trainent les voitures. Leurs propriétaires trouvent refuge sur le toit de rares immeubles encore debout. Les incendies, dus au court-circuit électrique, se déclarent dans certaines maisons déjà inondées. Les coupures d’eau et d’électricité sont généralisées. Les réseaux de communications sont coupés. Les médias du monde entier accourent pour « immortaliser l’événement ».
Les dates du 14 et 15 juillet furent pénibles : les sinistrés sont innombrables, les décès et les disparus augmentent sans cesse. On n’a pas encore le temps de se poser la question sur ce qui n’a pas fonctionné dans l’est, voilà que les autres régions sont touchées : les provinces de Namur et du Hainaut le 15 et le Brabant wallon le 16 juillet.
LE DÉSASTRE S’ÉTEND
Comme j’habite la Province de Namur, les eaux sont arrivées chez moi jeudi le 15 juillet à 13h00, par la Fluette. Celle-ci est un petit cours d’eau de 3m de largeur avec une profondeur de 1 m (et l’eau n’occupant que quelques dizaines de cm de hauteur) et qui n’embête personne depuis son existence. Vu, justement, ce qui se passait dans le bassin de la Meuse et que la pluie ne cessait pas chez nous, j’ai commencé à me méfier et je surveillais la Fluette dès le 13 juillet. Le 15 le matin, son niveau était monté mais rien d’alarmant.
Vers 11h, ma fille m’a m’appelé pour me dire que la circulation des trains est interrompue à cause des inondations mais que le moniteur insiste pour qu’elle aille aux cours. Je suis allé la chercher à la gare pour la conduire à l’école en voiture. J’ai essayé toutes les voies sortant de mon village mais en vain car la police avait bloqué tous les chemins à cause du niveau d’eau qui montait partout. Le dernier chemin que j’ai essayé d’emprunter était déjà inondé ; j’ai vite compris que les eaux n’allaient pas tarder pour atteindre mon habitation.
J’ai rebroussé le chemin et arrivé chez moi vers 12h00, heureusement tout le monde à la maison était présent. Nous nous sommes mis à l’œuvre : monter à l’étage les affaires qui risquaient d’être inondées au rez de chaussée, éloigner les bêtes de la Fluette dont le niveau, cette fois-ci montait en flèche.
Le torrent a traversé notre jardin, la Fluette est montée et est venue se joindre au torrent et les deux ont formé un fleuve de +/- 800 m de largeur. De l’étage nous voyions tout défiler : chaises, fauteuils, frigos, télés, des animaux domestiques, … Avec eux, ils emportaient les légumes de notre jardin.
La Fluette en décrue.
Photo des inondations dans mon jardin 15 Juillet à 15h00.
Chance extraordinaire, les eaux sont restées dans le jardin et ne sont jamais rentrées dans la maison ! Ce déferlement a duré 3-4 heures interminables avec la peur de vivre la situation qu’on a vu ailleurs dans les médias.
Dans la soirée, le sol de notre jardin était déjà sec mais il dégageait une odeur d’égouts et de mazout échappées des citernes renversées en amont. J’ai eu la curiosité d’aller voir la situation chez les voisins. Quel désastre ? Caves inondées, murs de clôture ou de maisons rasés, rues inondées à 1m de hauteur, ponts détruits, …, 1 décès dans le village voisin.
LA SOLIDARITÉ SE MET EN ROUTE
Vite la solidarité s’est mise en route : évacuations des sinistrés encore bloqués dans les zones inondées ou en cours d’inondation, octroi des abris, des vivres, des vêtements, de l’assistance auprès des assurances, …
Cette fois-ci, contrairement à la pandémie covid où les Eglises se sont réduites aux diffusions des protocoles sanitaires et aux annonces nécrologiques, elles se sont manifestées et ont contribué à la solidarité. Toutes les Eglises confondues se sont mobilisées. On peut citer les Chrétiens verviétois qui ont participé dans les recherches des disparus, un groupe de jeunes musulmans bruxellois qui se sont rendus au Village de Pepinster pour le nettoyage.
Dans notre paroisse, le Curé a dû interrompre ses vacances et venir s’associer à la fabrique de l’Eglise (dont je fais partie) et les paroissiens pour apporter l’aide aux sinistrés : vider les caves, nettoyer, remplir les documents administratifs, organiser des veillées pour combattre la solitude, …
Malgré la solidarité qui s’est déclenchée sans tarder, la population reste dans le désarroi : familles entières sans logement, infrastructures commerciales, sportives ou sanitaire détruites, accumulation des déchets … et surtout le trauma : moindre précipitation ou simple nuage gris déclenche la panique. Les sinistrés n’ont plus confiance dans l’avenir …
UNE GRANDE LEÇON D’HUMILITÉ
Ces inondations nous laissent une grande leçon d’humilité devant les éléments de la nature déchaînés et surtout beaucoup de questionnements: Seraient-elles dues au dérèglement climatique comme l'affirme le professeur Jean-Pascal van Ypersele ? Ce spécialiste belge soutient l'idée que le réchauffement climatique, causé par l'activité humaine, perturbe les climats sur le globe terrestre, ce qui fait que les catastrophes naturelles sont et seront de plus en plus extrêmes si nous ne faisons rien. Les phénomènes de ces dernières années, qui se sont passées ailleurs, semblent lui donner raison. D'autres spécialistes évoquent l'urbanisation sauvage avec l'attribution des certificats de bâtir dans des zones inondables.
Certains analystes éveillent les soupçons sur la défaillance dans la gestion des barrages et le dysfonctionnement du système d'alerte et des évacuations des riverains.
Le gouvernement wallon a mis sur pied une commission parlementaire pour donner des éclaircissements à ces questions.