Cet ouvrage connu d’Éloi Leclerc nous dévoile la sagesse apprise par François d’Assise au fond de son expérience de pauvreté et de désappropriation. Dans le dialogue et la fraternité avec les premiers frères et Sœur Claire, il trouve lumière et force pour affronter l’échec, la déprime, le chaos de la Crise. Si pertinent pour nous aujourd’hui.
Éloi Leclerc, Sagesse d’un pauvre.
22e édition, Desclée de Brouwer, Paris, 1991, 142 pages.
« Dieu est, cela seul importe. »
«DIEU ATTEND LÀ OÙ SONT LES RACINES»
C’est avec cette citation de Rainer Maria Rilke en exergue, qu’Éloi Leclerc, franciscain, offre son livre. Il s’est fait connaître par de nombreuses publications. Cet ouvrage de maturité présente une telle pertinence pour aujourd’hui, et vient éclairer tant de crises humaines et de passages difficiles que nous rencontrons sur notre route.
LA DÉSAPPROPRIATION DE FRANÇOIS
Le récit est bâti autour de la crise personnelle de « désappropriation » qu’a vécue François d’Assise, à son retour du front en Terre Sainte où s’affrontaient les Croisés et les musulmans pour la reprise des Lieux Saints.
Durant son absence, l’Ordre franciscain, en pleine croissance, que François avait confié aux vicaires généraux, est en train de vivre « une adaptation de l’idéal primitif aux nouvelles conditions qui s’imposaient ».
Pour François c’est la déroute, la montée d’un « sentiment d’échec ». « L’âme déchirée, le Pauvre d’Assise s’avança vers une dépossession de soi complète et définitive ».
Éloi Leclerc nous fait entrer dans une suite de dialogues qu’amorce François pour tenter de voir clair, de sortir de la ténèbre, de la dépression qui l’envahit, devant ce qu’il considère comme une trahison de l’idéal évangélique choisi à la suite d’un appel entendu devant le Crucifix d’Assise.
RENCONTRES ET DIALOGUES
François engage des rencontres avec ses proches, les premiers frères, Léon, Rufin, Tancrède, et l’unique Claire, qui ont été témoins de l’idéal primitif et de la vie des frères actualisant l’Évangile, « sans glose ». Ces dialogues nous permettent de saisir la profondeur des interrogations de François, la détresse qu’il vit et dont il émergera lentement après avoir touché le fond, l’ultime choix de s’abandonner à Dieu. Nous entrons dans une suite de thèmes spirituels, de situations de vie qui confrontent François :
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La prise de conscience de l’échec et de son impuissance ;
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L’instinct de possession ;
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La solitude affrontée inévitablement ;
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La sagesse de Claire ;
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La fraternité est le lieu où se vit la rencontre et la relation avec Dieu ;
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La passion du Christ, source de paix dans la souffrance ;
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Adorer et rendre grâce, au lieu de regarder sa misère et sombrer dans la détresse ;
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Évangéliser par la présence et le témoignage ;
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La pureté du cœur ;
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Accepter ce qui est.
C’est lentement, progressivement, comme le laissent sentir ces dialogues, que François reprend contact avec son appel premier, avec son expérience fondatrice, avec son vouloir vivre selon la forme de l’Évangile, simplement et sans compromis.
Chacun de ces dialogues mérite d’être creusé pour en savourer la sagesse qui se dégage et qui éclaire notre vie aujourd’hui et les défis qui nous confrontent personnellement si nous choisissons de continuer à croître.
DIEU EST, CELA SEUL IMPORTE
Au terme, François redécouvre que « Dieu est, cela seul importe ».
Quelques pierres peuvent baliser notre route, par leur sagesse incontournable.
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L’amertume guette toute maturité. Il faut veiller à ce que le fruit ne soit pas amer. (p. 36)
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Ne te préoccupe pas tant de la pureté de ton âme, tourne ton regard vers Dieu. (p. 105)
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L’homme se laisse accaparer par son œuvre et oublie d’adorer Dieu. (p.122)
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Quoi qu’il arrive, il y a Dieu, la splendeur de Dieu. Il suffit que Dieu soit Dieu. Seul l’homme qui accepte Dieu de cette manière est capable de s’accepter vraiment soi-même. (p.136)
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À l’heure de l’épreuve, dans la tentation ou la détresse, ce ne sont pas les livres qui peuvent nous venir en aide, mais simplement la Passion du Seigneur Jésus-Christ. (p. 43)
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Chacun sentait bien que cette paix n’avait pas enlevé la souffrance du cœur de leur Père : elle l’avait seulement transfigurée. (p. 93)
Quel bonheur de faire cette relecture ! J’ai trouvé une authentique synthèse de l’expérience de François d’Assise. C’est écrit dans un style simple, imagé, concret, illustré par des personnes en cheminement.
C’est là un guide pour affronter et traverser nos propres étapes de vie, en étant ancré dans l’espérance.