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FRANÇOIS D’ASSISE
une fraternité humaine en héritage

Le récit et l’impact du croisement des regards, celui d’un chrétien chez les musulmans, et d’un musulman chez les chrétiens. Ce fut l’expérience de François d’Assise. C’est aussi l’expérience d’une femme de foi musulmane, aujourd’hui. Elle décrit la transformation qui survient; elle montre la proximité de nos expériences dans la rencontre avec l’Autre et y voit l’occasion de renverser  notre regard sur l’autre.

« Il n’existe rien qui ne célèbre Sa gloire et Ses louanges. »
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(Q, 17 :44)
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« Loué sois-tu mon Seigneur, pour toutes tes créatures. »
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(Cantique des créatures)

La rencontre avec Pierre Viau et sa connaissance de l’héritage franciscain m’ont fait découvrir une figure humaniste exceptionnelle : François d’Assise. En ces temps de repli sur soi, de refus de la différence, de climat d’inhospitalité et de délit de solidarité, il semble impératif de retourner aux enseignements de ce franciscain attaché à la reconnaissance de l’autre.

 

La présente réflexion se nourrit du texte de Léonhard Lehemann intitulé « François d’Assise : la louange de Dieu comme pont entre les religions » [1]. Brièvement, ce texte relate un moment particulier du parcours de vie de François d’Assise : sa rencontre avec le Sultan d’Égypte, Al Kamil. Ce qui m’a interpelée dans ce texte c’est le personnage. Homme libre et proche des démunis, il fait preuve d’audace et d’innovation en allant à la rencontre de l’autre, cet ennemi militaire.

 

C’est avec un regard rempli d’humilité, que ce travail expose, en premier, un croisement de regards de contextes, à la fois distincts dans le temps et dans l’espace, mais comparables. Alors que la seconde partie avance une proposition pour faire revivre le  message de François au Québec. Je conclurais par une invitation à une réflexion commune.

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[1] Leonhard LEHEMANN, « François d’Assise : la louange de Dieu comme pont entre les religions », trad. française du frère André Ménard, Italia Francescana, Anno LXXXVI (86), nËš2, 2011, p. 52.

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CROISEMENT DE REGARDS D’UN CHRÉTIEN CHEZ LES MUSULMANS ET D’UNE MUSULMANE CHEZ LES CHRÉTIENS

Un petit rappel historique. La démarche de François d’aller vers Al Kamil doit être replacée dans le contexte de l’époque, soit une ambiance belliciste de la 5ème croisade. François est à Damiette (Nord-Est du Caire) lieu de convoitise des pèlerins militaires ou soldats du Christ animés par le contrôle du Nil, la conquête de Jérusalem et la délivrance du tombeau du Christ. Face à ce spectacle désolant de violence et de sang, François prend le parti de se détacher et de poser un geste. Dans un acte de vaillance et de témérité, et sans égard aux affrontements violents, il va rencontrer le Sultan Al Kamil. Sans poursuivre les conjectures littéraires sur les motivations de cette rencontre, je retiens l’idéal humain qui pousse François à montrer une attitude de bienveillance pour que cesse la guerre.

SOUMISSION...

Du texte de Lehemann deux notions permettent d’aller à la découverte de cet homme de paix : la soumission qui se trouve dans la Règle 16.6 et la louange à travers la prière commune, mentionnée dans les Lettres adressées à tous les dirigeants sur terre (LChe, 1; EVT, 332) et aux custodes (LCus,8; EVT. 327).

 

De prime abord et dans un contexte post 11 septembre, le terme soumission prend une connotation négative, voire de mépris. Pourtant, lorsque François propose d’être soumis, il ne s’agit ni d’abdication ni d’asservissement. Le sens retenu réfère à la relation de confiance tissée par toute personne croyante avec Dieu, et qui devrait être transposée dans une relation interpersonnelle. La confiance se comprend comme « une espérance ferme que l’on place en quelqu’un, en quelque chose, certitude de la loyauté d’autrui [et] que les autres placent en vous, la conviction qu’ils peuvent avoir de votre sincérité, de votre dévouement, de votre honnêteté » [1].

 

Dans la pensée de François, cette confiance exige d’appréhender l’autre sans méfiance, doute ou inimitié. Ce qui fait naître une relation d’engagement réciproque dans laquelle on fait confiance et on inspire confiance parce que justement cette dynamique a pour effet de réduire les craintes et d’écarter le sentiment de rejet par peur de l’autre.

 

Et dans cet entendement la soumission suppose une attitude dénuée d’arrogance, de supériorité, de pouvoir, de domination et d’oppression, Pareil comportement prédispose à l’humilité et conduit à faire naître une amitié, une entente et une paix, là où il y aurait discorde et conflit. La soumission est alors une conquête sur son Ego.

 

Cette compréhension de la soumission se trouve en totale cohésion avec la signification que je donne au mot islam. Ni asservissement, ni obéissance aveugle, il ouvre au détachement et à l’abandon de soi au Bien-Aimé (Al Hakim). Et la proposition de François, loin de préconiser une sujétion ou une servitude, invite à développer une capacité de se décentrer de soi pour aménager une place pour accueillir l’Autre, dans une relation de bienveillance, de conciliation et de coopération.

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[1] Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition, version informatique : http://atilf.atilf.fr/academie9.htm

...ET LOUANGE

Quant à la seconde proposition, soit la louange à travers la prière, François semble la concevoir comme une continuation du travail sur soi en vue d’une activité commune.

 

La louange à Dieu peut, alors, être appréhendée comme un projet quasi-universel de convivialité religieuse, puisque la première lettre est expédiée aux chefs des peuples (dirigeant d’États) et la seconde est adressée aux custodes (autorités religieuses de l’ordre).

 

Dans chacune de ces lettres, François sollicite les destinataires pour la mise en place d’une louange à Dieu accomplie par tous. Un acte d’unisson qui conforte la reconnaissance d’une transcendance commune et qui prendra la forme d’une prière commune à un moment précis de la journée. Pourquoi la prière ? Parce qu’elle établit deux types de relations, l’une avec Dieu et l’autre avec les semblables.

 

Dans la perspective de François, ces relations consubstantielles reflètent une activité rythmée: une interruption de la vie temporelle (donc une sortie temporaire) et une insertion dans une vie spirituelle (donc une entrée programmée). Dit autrement, François veut initier à travers la prière, à une activité de pause par rapport à une vie cadencée par le pouvoir, la conquête et la violence guerrière. Et dans ce mouvement de détachement/attachement, la prière serait un intermède, un entre-deux mondes, une façon d’être dans le temps et hors du temps, et un processus de rappel de la présence divine.

 

La prière serait alors une routinisation, non pas individuelle, mais collective, un rendez-vous commun avec Dieu afin de partager ensemble une même conversation à un moment précis, considéré comme un espace ouvert, dans lesquels toutes les personnes croyantes s’unissent spirituellement dans la prière. Dans un monde contemporain bouleversé, mais aussi au Québec, quelle place pour François ?

II LE DEVENIR DU MESSAGE DE FRANÇOIS AU QUÉBEC

François traduit sa rencontre avec le sultan d’Égypte comme une source d’enrichissement. Dans sa compréhension, l’appel à la prière symbolise un pont pour une louange de Dieu. Forts de ces enseignements, ne peut-on concevoir au Québec, la rencontre avec l’Autre, comme une occasion d’opérer un renversement du regard de/sur soi et de/sur l’autre ? Mais comment acquérir cette habileté à sortir de toute déformation visuelle et du jeu de miroir à la fois stérile et destructeur ?

POUR UN CHANGEMENT D’OPTIQUE

Les réponses sont multiples, mais on pourrait déjà envisager le changement d’optique à travers au moins deux entrées : la révision ou l’invention d’un vocabulaire et un changement dans la communication relationnelle.

 

Par exemple, pour la première, on pourrait revoir la signification habituelle de certains mots. En cette période de crise financière, morale, politique et écologique, et d’intensification des inégalités, la notion de solidarité mérite d’être exhumée et de devenir un moyen de tisser le lien social, de prêter attention à la vulnérabilité d’autrui et de se rappeler l’interdépendance humaine. De manière contingente, on pourrait accéder à un mode de communication plus axé sur la négociation et la coopération que sur la confrontation.

 

L’échange réfutera l’indifférence et refusera l’ignorance de la fragilité de son frère ou de sa sœur dans l’humanité. Par ailleurs, comme dans toute fratrie, la preuve de la solidarité fraternelle se fait par la reconnaissance de la constitution de règles d’interaction élaborées en commun. Ce qui n’écarte pas l’idée de poser des limites à tout foyer d’opposition, de contradiction, voire de conflit, ou celles d’écarter toute transgression au respect, seul sentiment qui balise la colère et toute velléité de rupture.

 

Et dans la fraternité spirituelle qui tient compte plus des ressemblances que des différences, on pourra trouver un lien qui rendra vivable une proximité qui autrement serait infernale. Le vivre-ensemble : un déjà-là. Ne faudrait-il pas développer un bon vivre ensemble qui nécessite de sortir de soi pour mieux se rapprocher de l’Autre ? Ne plus être à côté l’un de l’autre, mais être soudés côte-à-côte et penser l’un avec et pour l’autre.

 

En conclusion, la rencontre de François avec le Sultan Al Kamil, deux hommes que tout oppose (foi, reconnaissance mutuelle, belligérance), rend compte d’une prise de position, celle du rapprochement. Les enseignements de François, chantre de la beauté de la Création divine (écologiste avant l’heure) et messager de la concordance et de la paix (non-violent avant l’heure) pourraient-ils être une inspiration face aux crises humaines et écologiques ?

vol. 124, no 3 • décembre 2019

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