Le Cap-Vert est un paradis qui marque le coeur de ses habitants pour la vie où qu'ils vivent. Son histoire a connu l'esclavage et le mépris. Situé à 700 kilomètres à l'ouest du Sénégal, dans l'Atlantique sud, ce petit pays qualifié de « mineur », améliore la qualité de vie grâce aux progrès technologiques. La présence franciscaine des Capucins a mis en valeur le potentiel d'amour et de générosité qui rayonne de ce peuple.
L’expérience du Cap-Vert reste indélébile par son histoire et il est encore dans son ADN une prophétie cachée de laquelle le monde peut apprendre afin de mieux gérer et orienter son progrès.
UN POINT CENTRAL DU MONDE
Lorsque nous parlons d’îles, nous pouvons imaginer qu’elles sont des milieux de vie isolés. Si nous prenons comme exemple celles du Cap-Vert, « dispersées » dans l’océan, nous pouvons les percevoir comme étant quelque chose de très éloigné, dans le sens le plus profond du terme.
Depuis que je suis au Cap-Vert, je n’ai jamais eu le sentiment d’être isolé ou éloigné. Mais au contraire, comme dit le titre du livre de frère Federico Cerrone, « Cap-Vert, croisée de chemins de l’Atlantique Sud » (Capoverde crocevia dell’Atlantico Sud), je retiens que je suis en un point stratégique et central du monde. Cela n’est pas dû seulement à la position géographique presque équidistante entre Amérique, Europe et Afrique, mais à l’émigration capverdienne, accueillie en de nombreux endroits dans le monde, qui a développé des liens et relations à 360 degrés. Il s’est créé une forte chaîne d’échanges entre les îles et le reste du monde (aller-retour des personnes, cadeaux, objets). Celui qui est plongé dans ce réseau d’échanges/communications n’a pas l’impression de vivre seulement sur une île, mais aussi d’être ailleurs dans le monde.
Ce lien de l’émigration capverdienne ne diminue pas avec le temps parce que l’amour pour la terre d’origine alimente les souvenirs et la pensée du Capverdien qui vit maintenant à l’étranger.
UNE TERRE «MINEURE»
L’expression la plus utilisée pour décrire cette terre natale est terrinha. Par cette expression, cette terre est qualifiée comme pauvre et petite; dans le langage franciscain, nous pourrions dire une terre « mineure ». Ce terme de terrinha fait référence à l’île où s’est vécue l’enfance et de facto inclut la famille au sens large, bien que la terminologie soit celle de l’environnement, aimée dans sa petitesse avec tout ce que cela signifie au sens spirituel.
Quelle est cette empreinte, si belle et si forte, que ce coin du monde aride et sec à cause de la sécheresse (maintenant deux ans sans pleuvoir) et jusqu’à pas si longtemps presque complètement isolé (rejoint seulement par des navires toujours en retard et souvent avec des marchandises de première nécessité) a laissée chez ceux qui y sont nés et qui vivent au loin.
Le Cap-Vert porte dans son ADN les stigmates de la nature et de l’histoire. Avec l’émigration, il peut révéler au monde que la dynamique de l’amour commence toute petite et pauvre dans le cœur souffrant de chacun, comme l’a montré François d’Assise.
SOUFFRANCE ET AMOUR
Il est inévitable que la pauvreté et la petitesse aient causé de la souffrance et la mort sur ces îles sans pluie, loin dans l’océan et qu’il y ait eu des abus et de l’égoïsme. Plus encore, cette terrinha a vécu la colonisation et connu l’esclavage. Nous avons donc, au début, habité cette terrinha arrivant de l’Afrique comme esclave ou venu ici comme colon, souventes fois considéré comme indésirable dans sa propre patrie.
Mais n’est-ce pas dans la souffrance que se reconnaissent les gestes d’amour ? N’est-ce pas là la base sur laquelle se construit l’humanité ? N’était-ce pas l’amour du Christ que François d’Assise voulait connaitre, Lui demandant de connaitre ses souffrances, obtenant ainsi d’être stigmatisé ?
Le Cap-Vert porte dans son ADN les stigmates de la nature et de l’histoire. Avec l’émigration, il peut révéler au monde que la dynamique de l’amour commence toute petite et pauvre dans le cœur souffrant de chacun, comme l’a montré François d’Assise.
Le monde d’aujourd’hui doit comprendre que la souffrance n’est pas une réalité à fuir, mais à accueillir et combattre avec la multiplicité des forces de la relation qui s’expriment par la générosité du geste de l’amour renonçant à lui-même.
UNE EXPÉRIENCE INDÉLÉBILE
L’expérience du Cap-Vert reste indélébile par son histoire et il est encore dans son ADN une prophétie cachée de laquelle le monde peut apprendre afin de mieux gérer et orienter son progrès.
Les années 40 furent la dernière fois où la moitié de la population mourut de faim à cause de la sécheresse prolongée. Aujourd’hui, l’eau ne manque pas sur cinq îles parce que les gens ont la possibilité d’y boire de l’eau de mer dessalée.
De plus, le Cap-Vert est un des pays les plus venteux du monde. Auparavant, le vent se contentait de souffler, nous giflant par le fait même avec la poussière de la rue; aujourd’hui, nous savons que c’est de l’énergie.
Si le Cap-Vert investit en études afin de baisser le coût de l’eau dessalée, il pourra irriguer les champs avec l’eau de la mer, une source sûre. Puisque la terre volcanique est très fertile et que le vent et le soleil peuvent être transformés en énergie, l’économie de base sera plus sécuritaire que celle de la Suisse, qui elle dépend des pluies et des glaciers.
LE POSITIF DU NÉGATIF
Tout comme la technologie photographique nous a dévoilé, de façon surprenante, près de 2000 ans après, les contours du visage du Fils de Dieu à partir du « négatif » du linge l’ayant recouvert dans le sépulcre (Le Saint Suaire), ainsi encore cette fois la technologie nous fait « voir le positif du négatif » de cette terrinha que nous reconnaissons comme un riche don de la part du Père et qui nous confirme son dessein d’amour qu’il n’a jamais abandonné.
La « sodade » [1] que l’émigré capverdien dans le faste du développement du monde où il est allé continue à éprouver pour sa terrinha, est pour chacun de nous un stimulant pour refaire le choix de la pauvreté de François d’Assise, la seule qui nous affermit dans l’engagement pour l’édification du bien commun (1425, saint Bernardin de Sienne, franciscain) dont le monde à toujours plus besoin afin de « sauver » le progrès/le chemin de l’humanité et de chacun.
Le Cap-Vert nous confirme que le développement commence par le bas et donc de la terrinha où nous retrouvons notre véritable humanité selon la vérité de Dieu ! [2]
NOTES
[1] Le terme « sodade » est un mot de créole capverdien. Il vient de « saudade », qui est réputé comme l’un des mots portugais les plus difficiles à traduire. Le terme exprimerait une tristesse empreinte de nostalgie, quand une personne se sent dépossédé de son passé. Pour confirmer cet élément spécial, rappelons qu’à partir du vécu de cet endroit le mot « morabeza » a été créé. Il fait référence aux beaux moments passés ensemble sur la « terrinha ». Ce mot « morabeza » se retrouve dans de nombreuses chansons et de nombreux poèmes, parfois sans références contextuelles pour qui est étranger, mais compréhensible pour qui vit ou a vécu sur cette terre. Nous pourrions peut-être demander à Cesaria Evora de l’expliquer. Sa voix s’est fait entendre avec succès dans le monde entier avec la chanson « Sodade » (nostalgie) dont le texte décrit les dynamiques de la relation entre ceux qui vivent au loin.
[2] Pour aller plus loin : https://www.youtube.com/watch?v=a_p7kVlaLbI
http://www.capuchinhoscv.org/index.php/pastoral/franciscanismo/associacao-espaco-jovem