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QUÊTE SPIRITUELLE

DE L'IMAGE À LA RÉALITÉ

Un récit saisissant que cette rencontre avec un prisonnier dans un établissement de haute sécurité. Reconnaître l'image de Dieu en cet homme, image agissante et transformante,  entrer en relation dans la foi, c'est tout le défi vécu par l'auteur Suzanne Giussepi Testut dans ce témoignage d'accompagnement sollicité par le prisonnier lui-même.

De quelle image et de quelle réalité s'agit-il ? De l'homme créé à l'image de Dieu et de la réelle possibilité, pour chacun de nous, quelle que soit notre histoire ou notre passé, de laisser rayonner cette image.

UN LECTEUR TOUCHÉ

Il y a neuf ans, peu de temps après la sortie de mon premier livre La Déposition [1], j'ai reçu une lettre en provenance d'un lecteur inconnu. Dans cette lettre, un homme se disant profondément touché par cet ouvrage, me demandait de l'accompagner. Rien de particulier jusque là. Or cet homme, B. était un prisonnier incarcéré dans un pays étranger. [2] Touchée par le contenu de ce courrier, et en même temps très prudente car ne connaissant pas le milieu carcéral,  même si quelques années auparavant j'avais été chargée de l'accompagnement des familles de prisonniers dans une prison du sud de la France. J'ai donc pris l'avis de mon père spirituel puis d'un frère franciscain, aumônier de prison. Tous deux, me connaissant bien, m'ont encouragée à accepter cet accompagnement. J'avoue toutefois que je ne savais pas trop comment aborder cette relation.

 

A partir de là, une correspondance régulière s'est établie, simple, discrète mais laissant toujours apparaître la foi de cet homme et même, souvent, une véritable profondeur spirituelle. Le Christ était là, malgré tout, et je n'en doutais pas. Peu à peu, une confiance s'est établie puis, un jour, B. m'a demandé de venir le visiter. Il souhaitait me rencontrer et parler de Dieu, avec moi, en face à face. Compte tenu de la rigueur de cet établissement pénitencier et n'ayant pas de liens familiaux avec B., je ne pensais jamais pouvoir obtenir une autorisation de visite. Ce sont les aumôniers de la prison, à qui je me suis adressée pour connaitre les modalités de cette démarche qui, sachant que j'appartenais à la Famille Franciscaine, ont pu m'obtenir très rapidement un droit de visite. La grâce était à l’œuvre.

« Dieu créa l'homme à son image,
à l'image de Dieu il le créa,
homme et femme il les créa. » (Gn 1 27).
RENCONTRE DANS L'INCONNU

Là, j'ai commencé à m'interroger très sérieusement car la démarche n'était pas anodine. Je devais me préparer. Non seulement à entrer dans une prison réputée pour sa dureté mais aussi à la rencontre avec B. Je repensais surtout à ce que j'avais écrit dans mon ouvrage : « savoir reconnaitre en l'autre, l'image de Dieu qu'il contient ». J'allais devoir me confronter à cette affirmation, face à un homme ayant un passé probablement lourd, puisque incarcéré dans une prison de haute sécurité. Saurai-je le regarder et le voir véritablement comme mon frère en humanité ? Saurai-je faire abstraction de tout le contexte et écouter avec le cœur ? Je devais être vraie et honnête et vivre le défi devant lequel le Seigneur me plaçait. Je décidais de vivre cette rencontre dans une totale liberté et en vérité de coeur et, dès lors, je m'y préparais dans la prière.

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Me voilà partie en Suisse. Arrivée sur place, j'ai suivi le mouvement. Comme tous les autres visiteurs, le jour fixé j'ai attendu devant l'entrée de la prison, ce qui a été très utile car j'y ai reçu quelques conseils - mon "inexpérience" étant très visible. Dès le grand portail franchi, j'ai été saisie par la dureté du lieu, mais il a fallu continuer c'est-à-dire pénétrer à l'intérieur des murs de la prison, se prêter à la fouille méticuleuse sous le regard d'un personnel en apparence à l'image du lieu. Puis, attendre encore longuement, avec d'autres visiteurs, dans un silence d'une grande lourdeur. Enfin, nous sommes appelés et je suis toujours le mouvement. Nous pénétrons dans une petite pièce rectangulaire où huit petites tables sont disposées. Comme les autres "habitués", je marque ma table en y déposant la clé du coffre où sont déposées mes affaires. Et là les portes se referment sur nous et deux gardiens armés nous entourent et attendent les prisonniers. Les quelques minutes qui suivent me paraissent interminables mais je suis sereine. Je vois enfin arriver huit hommes aux visages terriblement fermés mais l'un d'entre eux vient vers moi, souriant. Et il m'embrasse!  C'était B.

«...SON VISAGE SE TRANSFORMAIT ET S'ÉCLAIRAIT»

Nous nous asseyons face à face et B. posant ses mains sur mes mains, me dit : « Suzanne, parlez-moi de vous. » Une conversation débute. Puis, au bout d'un moment, à mon tour de poser mes mains sur celles de B. et de lui dire : « B., parlez-moi de vous. » Cet homme me parle alors de lui, de son histoire, de ses actes, de ses incarcérations, mais aussi de l'enfer dans lequel il vit et, merveille, de sa foi, de sa dévotion pour saint François d'Assise et de l'évangélisation qu'il fait auprès des prisonniers et particulièrement des jeunes, avec le soutien des aumôniers. Plus il me parlait de son témoignage de foi auprès des jeunes, plus son visage se transformait et s'éclairait. J'ai alors vraiment vu l'image de Dieu rayonner en cet homme. « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » (Gn 1 27). Et là, je me suis dit intérieurement : mais si toi, tu étais dans cet enfer, toi qui te dis franciscaine, est-ce que tu aurais la force de témoigner comme il le fait ? Je ne sais pas.  Je me suis sentie bien petite face à mon frère prisonnier.

«LA SEULE FORCE SE PUISE DANS LA BIBLE...»

B. est maintenant libre et sa foi est toujours vivante. Avant d'écrire ce témoignage, je lui ai demandé son autorisation et lui ai proposé de s'exprimer. [3] Voici ses paroles : « Parler de la misère carcérale est-ce utile ? Dans ces lieux, la seule force se puise dans la Bible, Parole unique de Dieu. Et la marche avec Jésus fidèlement. Certes, il y a beaucoup de confusions, de haines et de rancunes diverses dans ces lieux, mais la paix en Dieu rend sourd à tout cela et permet d'avancer. Soutenons-nous par la prière. Je vous embrasse bien fraternellement et au plaisir de vous revoir. »

Notes

[1] La Déposition  parcours spirituel à l'école de saint François d'Assise, Edition Nouvelle Cité 2009, Bruyères-le-Châtel.

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[2] Le lecteur comprendra que je ne peux nommer cette personne.

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[3] Le lecteur peut aussi se reporter, dans notre livre François d'Assise le prophète de l'extrême au chapitre VIII « Dieu descend en l'homme », p. 179, Édition Nouvelle Cité, 2015, Bruyères-le-Châtel. Ce paragraphe témoigne également de notre partage.

vol. 123, no 2 • Juin 2018

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